Bon.

A la base, c'était censé être une petite blague, une sorte de running gag qui était parti d'une consommation un peu élevée de bières. "Eh, ça serait trop cool que la guenon et moi on se marie à Las Vegas". Et j'sais pas comment on est partis aussi loin dans le délire, mais bon.
On y est, quoi.
On a posé des congés pour se faire un weekend prolongé, on s'est tapé neuf heures de route dans la Defender - qui n'est pas confortable DU TOUT pour un si long trajet - et on y est. Dans une petite chapelle bien kitsch et bien typique de Las Vegas. Vu l'organisation, on a pas fait dans l'extravagant. Quelques potes, les parents d'Ivy, et un sosie d'Elvis qui a probablement enfilé son costume le plus pailleté pour l'occasion. Sans oublier l'inoubliable Frankie, qui va probablement pas réussir à faire tenir son mascara toute la soirée.
Je sais que ça sera un mariage express, et que c'est clairement à la hauteur de notre beauferie commune, mais quand même, ça reste quelque chose d'officiel. Et, jusqu'ici, j'ai préféré ne pas trop y réfléchir. Je me suis surtout dit que c'était un weekend à la con qu'on allait passer ensemble, qu'on se taperait plein de machines à sous et que, à l'occasion, on allait se faire un petit mariage pas piqué des hannetons quoi. Mais putain non, c'est pour de vrai. C'est pas une blague, je vais vraiment épouser Ivy. Et rien que d'y penser, mon cœur tape un sprint.
Ça fait à peine quelques minutes que la cérémonie a commencé, mais le temps est interminable. Je suis tout seul sur mon estrade avec Elvis qui fait son playback sur "Love Me Tender", et je sens que je commence à suer. J'ai probablement des auréoles naissantes au niveau des aisselles. Du coup je joue les premiers de la classe, les mains dans le dos et le regard instable qui oscille entre la moquette vieillotte de la chapelle et sa voûte basse de plafond, tout en sautillant sur place, faisant ainsi grincer mes claquettes-chaussettes. Faut faire honneur à ses origines. Et puis je jette régulièrement un œil aux gens présents dans la salle. Certains parlent entre eux, et d'autres me regardent fixement pour tenter de me rassurer. Y a même Mason, qui lève ses pouces et me fait un clin d’œil.
Soudain, la ballade d'Elvis se termine, pour laisser place à celle d'Ed Sheeran. Je sais que c'est le signal. Le sosie, qui n'apprécie visiblement pas le choix de la musique, se fout dans un coin en attendant l'arrivée de la plus belle. Je lève les yeux au ciel une dernière fois, expire profondément, puis bloque mon regard sur la porte d'entrée, les lèvres pincées. Ce n'est plus qu'une question de secondes avant qu'elle s'ouvre sur la plus formidable des guenons.

Aujourd’hui est un jour spécial. NON. Pas spécial, mais EXCEPTIONNEL. J’en reviens pas, Ivy et Ez vont se marier. J’ai littéralement l’impression d’être une gamine qui voit ses parents se dire oui, je pourrais pas être plus heureuse. Au début c’était un truc qu’Ez avait lancé comme ça, et direct j’avais sauté à pieds joints dedans, on faisait des blagues, enfin vous connaissez quoi, on peut partir très loin. Et le fait est que c’est devenu réalité. Et voir deux des personnes qui vous aimez le plus au monde se marier (je deviens cheesy ça y est), et ben ça fait quelque chose.

On s’est retrouvés à poser des congés, puis on a fait toute la route jusqu’à Las Vegas dans la voiture d’Ez, et voilà. Par contre, j’ai mal au cul, je peux vous dire que je suis pas prête de me rasseoir avant un moment. Ça va niveau fatigue parce que bon, durant 9h j’étais à l’arrière et j’ai pu dormir quelques heures. C’est un des avantages à ne pas avoir son permis. Mais par contre, je vous jure que j’ai passé le trajet dans toutes les positions possibles et imaginables pour soulager mes fesses, parce que c’est pas très confortable. J’ai fini assise derrière le siège passager à même le sol, la tête sur la banquette, et oui, c’était relativement confortable. Enfin j'ai jamais autant rêvé d'avoir le cul de Kim K pour amortir. Mon dieu quand je pense que mes papanana vont se marier, j’en reviens pas.

Et vous remarquerez, j’ai fait un effort, j’ai acheté une nouvelle robe pour l’occaz, je l’ai trouvée dans une fripe pas loin du cinéma, et je dois dire que je suis pas peu fière. Bon par contre j’ai pas quitté mes tongs, mais on peut pas tout avoir non ? Et puis j’ai mis du mascara d’abord, ce qui est relativement rare on va pas se mentir. La question c’est plutôt combien de temps il va rester sur mes cils. J’ai déjà les larmes aux yeux, alors que je suis face à une Ivy plus belle que jamais, si c’est possible. Elle est tellement belle, je vous assure elle est réellement éblouissante. Où sont mes lunettes de soleil ? Que je me cache du rayonnement d’Ivy. Et pour dissimuler mes yeux de panda qui vont pas tarder à arriver à mon avis. T’es tellement belle, je fais en reniflant déjà, agitant ma main devant mes yeux comme si ça m’aiderait à faire rentrer toutes les larmes qui s’agglutinent au coin de mes mirettes. J’ai une poussière dans l’oeil c’est horrible, je lance comme si c’était crédible. Je crois que c’est la première fois qu’on va me voir pleurer huhu. Je pleure pas beaucoup, quasiment jamais. Enfin si, quand Mufasa meurt je pleure, là c’est obligé. D’ailleurs le saviez-vous, le Roi Lion et les Aristochats ce sont mes Disney préférés. C’était l’anecdote de Frankie. Jingle.

Olalala, et je suis tellement pressée de voir Ez aussi. Non mais y a pas à dire, tout le monde parlait de Brad et Angeline niveau beauté, mais ils ont jamais vu Ez et Ivy. C’est les plus beaux, Bangelina c’est du bas de gamme à côté.

Les petites rivières font les grands fleuves. Qui aurait pu croire que d’un simple sujet de déconne on arrive à un vrai mariage à Las Vegas. Si on interroge chaque invité, personne. Même pas les deux concernés à savoir Ez et moi même. Oui, Ivy Cordanov va se marier au plus beau gorille de toute la Californie j’ai bien nommé Ezra Feuerbach. Et entre nous la plus stressée c’est… Frankie. Oui, est-ce étonnant ?

Nous voilà donc partis pour 9 heures de Viva Las Vegas, de San Francisco et de toute autre musique se rapportant au Nevada ou à la Californie, à se partager le volant de la Defender avec Ez pendant que Frankie teste le confort du backseat – mais en solo. L’occasion de se rappeler – pendant les quelques moments d’éveil de la papananas – ces dernières années passées ensemble, en colocation avec un chien baveux et un chat pelucheux. Et qu’est ce qu’on en a vécu des choses, Ez qui part chercher du jus d’orange au Walmart en slip et moon boots le tout en plein hiver sur des trottoirs verglacés. Ou encore notre voyage à Hawai où on a failli perdre notre acolyte brune dans une couse de jet-ski – c’est pas faute de lui avoir dit de s’accrocher. Et tellement d’autres moments, le frigo, le sugar daddy de Frankie, les tongs mangées par Klaus… On est finalement arrivé à Las Vegas pour ce qui s’appelle le plus beau jour de notre vie, usés mais heureux.

On avait peu de temps pour se préparer, peu d’argent pour bien s’habiller et peu d’énergie pour faire des gros efforts mais c’est comme ça qu’on vit et dieu sait qu’avec le temps on découvre qu’avec peu on fait beaucoup. Alors un mariage ne dérogera pas à la règle. J’ai trouvé une petite robe bohême et des sandales plates qui feront l’affaire, le tout accompagné d’une couronne de fleur que Frankie m’avait aidé à faire. T’es tellement belle. Tiens, en parlant du loup. J’ai une poussière dans l’oeil c’est horrible Oh non, pleure pas maintenant Frankouille. Je me retourne pour lui faire face et pour la prendre dans mes bras. Y a rien à défaire sur ma tenue donc je peux bien faire un gros câlin à ma meilleure amie. On est en plein milieu du désert Frankie, pleure pas trop tu vas ressembler à un raisin sec. Puis Ez nous attend, oublis pas que vous avez parié 20 dollars que tu pleures avant la cérémonie. On va en entendre parler pendant trois mois si il gagne. Et s’il te plait, on a vraiment pas besoin de ça, l’appart est trop petit pour échapper à sa fierté allemande.

De là mon père vient me chercher, c’est l’heure. Ma mère et lui on fait le déplacement depuis le Canada. J’ai posé une semaine de congés pour passer du temps avec eux et leur faire visiter les environs. À cause du ranch ils ne prennent pas beaucoup de vacances, je voulais vraiment que cette semaine soit une des plus riches de leur vie, c’est pour ça que je leur ai annoncé le mariage qu’à la moitié de cette semaine. Donc ils sont aussi préparé que nous pour la cérémonie – mon père est en chemise, bermuda et chaussures de marche et ma mère, un peu plus coquette, en longue robe en lin sur des petites sandales. Je ne saurai pas dire si ils ont apprécié la nouvelle mais ils sont restés sans voix. Surtout que c’était accessoirement la deuxième fois qu’ils rencontraient Ez, la première fois c’était à la remise des diplômes de l’UE et nous n’étions pas encore ensemble. Le choc est présent mais ils croient en l’amour et forcément ils nous ont suivi dans notre folle aventure.

La musique démarre sur une chanson d’Ed Sheeran, « Best part of me ». La chanson que je rabâche et chante à longueur de journée dans l’appart depuis sa sortie. Je m’avance au bout de la petite église, le bras soutenu par le coude de mon papa et je découvre le décor tellement kitch du lieu. J’adore, je suis fan. Puis au fond, devant l’autel, Ez tout stressé. À ce moment là j’ai envie de lâcher le bras de mon père pour courir lui sauter dans les bras – chose habituelle chez nous – mais un peu de sérieux ne fait pas de mal alors j’arbore un large sourire en le fixant des yeux. Heureusement pour nous deux la taille de l’église est trois fois inférieure à celle d’une église basique, nous sommes donc vite face à face pour échanger nos vœux. Et bordel j’y crois toujours pas.

La boule au ventre commence à prendre de la place à mesure que les secondes passent sans voir la grande porte s'ouvrir. C'est finalement la plus petite qui s'entrouve, laissant apparaître notre Frankie nationale, les yeux un peu rouges, qui me fait discrètement signe qu'Ivy est prête. Pour toute réponse, je pouffe en silence et frotte mon pouce, mon index et mon majeur entre eux pour bien lui faire comprendre que j'ai gagné mon pari et qu'elle va me devoir vingt balles. J'aurais pu m'abstenir, mais faut vraiment que je décompresse, je suis pas doué pour faire face à une situation aussi sérieuse que mon propre mariage.
Et peu après, voilà que la porte principale s'ouvre sur la plus belle blondasse que cette Terre a eu la chance d'accueillir. Sur cette chanson bien précise, en plus. Celle qu'Ivy nous a rabâché pendant des semaines, jusqu'à ce que j'en puisse plus. Mais là, elle prend une toute autre dimension. Les paroles font sens. C'est con comme remarque hein, mais je me reconnais vraiment dans les paroles. J'ai toujours eu ce syndrome de l'imposteur qui fait que, malgré des heures de sport à me muscler, malgré mon master, et malgré le temps qui a permis d'effacer la plupart de mes anciennes conneries, je me vois toujours comme le débile en surpoids du fond de la classe, associé à l'image de psychopathe qui m'a été attribuée au lycée. Alors parfois, même si je l'aime plus que n'importe qui, il m'arrive de me réveiller en pleine nuit avec Ivy à mes côtés, et simplement me demander ce qu'elle me trouve. Et quand elle arrive vers moi et que je croise son regard pendant qu'Ed se demande "pourquoi est-ce qu'elle m'aime alors que je m'aime pas moi-même", j'ai juste l'impression d'être dans le plus cucul des téléfilms de début d'après-midi mais ça me pique en plein dans le cœur. Et quand je la vois sourire, c'est encore plus fort. Je souris à mon tour, balancé entre un fou rire nerveux que je parviens à retenir et des petites larmes qui montent aux yeux à cause du trop plein. Bordel, Frankie avait raison, y en a de la poussière ici.

Heureusement, le moment d'émotion intense est de relativement courte durée et Ivy se retrouve bien vite à mes côtés. T'es parfaite, je souffle simplement. J'suis époustouflé par sa beauté, mais pas surpris. Elle aurait mis un t-shirt Harley Davidson et un jean trop grand que j'aurais quand même eu des paillettes dans les yeux. Mais de la voir, toute en blanc comme ça, enfin c'est symbolique quoi. J'en reviens pas. Pour contenir mes émotions et arrêter de sourire comme un débile, je me mords la lèvre inférieure. Et ça dure comme ça pendant tout le discours d'Elvis. Je sais même pas si j'écoute vraiment ce qu'il raconte. Y a tellement de choses qui se passent dans ma tête à ce moment là, le gars serait en train de me raconter une blague de beauf que je m'en rendrais même pas compte.
Puis, vient le moment où faut sortir son propre discours. J'angoisse à l'idée de devoir me dévoiler, non seulement parce que c'est pas dans ma nature, et puis parce que, mine de rien, y a un peu de monde quoi. Bien plus que nous deux, en tout cas. Et c'est pas simple d'avouer qu'on est un gros fragile huhu. Mais bon, va bien falloir se lancer. Je respire un bon coup et me lance.
Putain, je commence dans un soupire. Merde, c'est pas top de commencer comme ça dans un endroit "sacré". Pardon, je recommence. Hm. Tu te rends compte d'où on est ?, j'enchaine en riant. J'aurais jamais imaginé me marier un jour à Las Vegas. C'est incroyable. Et puis, c'est pas avec n'importe qui, que je me marie. C'est toi, c'est la fille qui m'a incité à boire une bière lors d'une fête étudiante, puis avec qui j'ai volé des bières à un weekend d'inté, et qui à nouveau buvait une bière lors de la première soirée d'inté de notre maison bleue. Trois rencontres, trois bières. Tu m'étonnes que je sois tombé amoureux. Je comprends même pas comment j'ai fait pour pas me rendre compte que t'étais parfaite à ce moment-là. Il a fallu que nos chemins se croisent à nouveau des années plus tard, à des milliers de kilomètres de l'UE, pour que je tombe enfin sous ton charme. Et ce qui s'apparentait à la base à une simple amourette a finalement évolué à tel point que, je finis même pas ma phrase, je tends simplement les bras et pivote pour montrer toute la salle. Enfin tu vois où on se retrouve quoi. Mais franchement Ivy, si c'était à refaire, je pense que je changerais rien du tout. Parce que tout est parfait entre nous, c'est incroyable. T'es parfaite. Tu te prends jamais la tête, t'es incroyablement altruiste, t'es, et putain à nouveau je finis pas ma phrase. Je commence à avoir du mal à parler. Même mon accent allemand, sur lequel j'ai travaillé toutes ces années et duquel j'avais presque fini à me séparer, revient en force à cause du stress et de l'émotion. Je sais pas comment le dire autrement, t'es tout ce que j'aime, et bien plus encore. D'un côté tu m'apaises, et d'un autre t'hésites pas à faire l'idiote avec moi, t'es l'équilibre idéal dont j'ai toujours rêvé en fait. Et même si ça parait un peu débile de se marier à la va-vite à Las Vegas, je le regretterai jamais, parce que ça nous représente plutôt bien, et surtout, parce que maintenant plus que jamais je me rends compte que je t'aime comme un fou et que je veux vivre avec toi jusqu'à ce que tes pattes d'oie se creusent et que ma barbe blanchisse, et encore au moins trente ans après ça. J'veux qu'on aille dans votre ranch familial, j'veux t'amener en Allemagne voir un match du Bayern, j'veux qu'on se refasse des weekends improvisés comme celui-ci ou celui à Hawaii, mais j'veux aussi juste qu'on fasse de la merde en cuisine avant de se faire rattraper par Frankie ou qu'on se plaigne de nos boulots en mangeant un sorbet à la cantoche du zoo. Je veux tout ça. Vivre un quotidien plein de rebondissements et dont on se souviendra dans quelques années, autant que de nos plus grandes histoires. Je sais pas toi, mais moi ça me branche carrément.

Pouah. Je soupire discrètement après mon monologue. Je sais pas combien de temps ça a duré. J'avais rien écrit, juste prévu de laisser le feeling faire. Parce que ça fait plusieurs jours, voire semaines, que ce mariage est prévu, et tout autant de temps que j'ai pris à essayer de rédiger un discours potable en vain. Alors j'espère que cette fois, c'était la bonne.

T’es parfaite. Vous sentez l’émotion là ? Parce que moi je la sens bien. On a beau être un couple de beauf, à se dire quasi-quotidiennement qu’on s’aime, à se lancer des disquettes bien lourdes, à se claquer le cul à chaque fois qu’on se croise dans l’appart, à péter sous la couette en attendant la réaction de l’autre, y a des mots qui prennent une toute autre dimension dans des circonstances différentes. En l’occurrence devant un autel. Alors oui, aussi simple soit ce « t’es parfaite », là, aujourd’hui, dans cette église, à Las Vegas, il sonne comme le plus pur, le plus sincère des compliments, et je me répète mais oui, à ce moment là, aujourd’hui, je subis l’impact émotionnel de notre décision et aussi violent soit-il, je l’accepte avec la plus grande joie. T’es pas trop mal non plus, j’ajoute avant de me rendre compte des superbes chaussures qu’il porte. Sympa les shoes ! Pouce levé et clin d’œil, on ne le dira jamais assez mais Ez est un précurseur dans la mode – on rappelle les moonboots et le caleçon rose fluo pour aller chercher du jus d’orange. Elvis lance son discours quelques secondes après ces mots échangés. Je ne vais pas quitter mon bouquet des yeux. Par peur de croiser le regard d’Ez et de partir en fou rire parce qu’on est tous les deux nerveux ? J’en sais rien, j’ai juste envie qu’Elvis se taise et nous laisse. L’engagement c’est pas un paramètre auquel je pensais être confrontée dans ma vie, j’ai pas vraiment eu le temps de me faire à l’idée entre le moment où on a décidé de se lancer dans l’aventure et le jour J. On est vraiment pas au fait des traditions dans cette coloc, on a pas des attitudes exemplaires voir même adaptées à certaines situations, on vit un peu au jour le jour. Mais à ce moment là, j’aurai bien aimé être préparée parce que je sais ni trop quoi dire ni trop quoi faire. Et j’ai peur qu’Ez soit dans le même cas. Blanc ou pas blanc les gars ?

Putain. Le gros mot vient casser le silence présent dans l’église, faisant rire une partie des invités. J’ai envie de rire aussi mais wesh, c’est un mariage Ivy tient toi. Pardon, je recommence. Hm. Tu te rends compte d'où on est ? J'aurais jamais imaginé me marier un jour à Las Vegas. C'est incroyable. Et puis, c'est pas avec n'importe qui, que je me marie. C'est toi, c'est la fille qui m'a incité à boire une bière lors d'une fête étudiante, puis avec qui j'ai volé des bières à un weekend d'inté, et qui à nouveau buvait une bière lors de la première soirée d'inté de notre maison bleue. Trois rencontres, trois bières. Tu m'étonnes que je sois tombé amoureux. Je pouffe en me remémorant tous ces souvenirs. C’est grave vrai, on est un putain de couple de pochtrons en fait. Je comprends même pas comment j'ai fait pour pas me rendre compte que t'étais parfaite à ce moment-là. Il a fallu que nos chemins se croisent à nouveau des années plus tard, à des milliers de kilomètres de l'UE, pour que je tombe enfin sous ton charme. Et ce qui s'apparentait à la base à une simple amourette a finalement évolué à tel point que… Ez ne finit pas sa phrase, je lève le nez de mon bouquet pour savoir ce qu’il se passe et le voilà qui montre l’église de la main, et chaque personne présente. Enfin tu vois où on se retrouve quoi. Mais franchement Ivy, si c'était à refaire, je pense que je changerais rien du tout. Parce que tout est parfait entre nous, c'est incroyable. T'es parfaite. Tu te prends jamais la tête, t'es incroyablement altruiste, t'es… J’arrive enfin à capter son regard et un putain de frisson me parcourt le corps. Aucun mot ne me vient à l’esprit pour décrire ce que je ressens là, c’est fort, tellement fort que je suis saisie, que je capte même pas que son accent germanique est revenu, que je m’aperçois même pas des gros sanglots de Frankie et des bruits de mouchoirs de mon père, qu’Elvis est parti, qu’un des néons qui éclaire l’église déconne, rien. À ce moment là il n’y a que lui et moi. Je sais pas comment le dire autrement, t'es tout ce que j'aime, et bien plus encore. D'un côté tu m'apaises, et d'un autre t'hésites pas à faire l'idiote avec moi, t'es l'équilibre idéal dont j'ai toujours rêvé en fait. Et même si ça parait un peu débile de se marier à la va-vite à Las Vegas, je le regretterai jamais, parce que ça nous représente plutôt bien, et surtout, parce que maintenant plus que jamais je me rends compte que je t'aime comme un fou et que je veux vivre avec toi jusqu'à ce que tes pattes d'oie se creusent et que ma barbe blanchisse, et encore au moins trente ans après ça. J'veux qu'on aille dans votre ranch familial, j'veux t'amener en Allemagne voir un match du Bayern, j'veux qu'on se refasse des weekends improvisés comme celui-ci ou celui à Hawaii, mais j'veux aussi juste qu'on fasse de la merde en cuisine avant de se faire rattraper par Frankie ou qu'on se plaigne de nos boulots en mangeant un sorbet à la cantoche du zoo. Je veux tout ça. Vivre un quotidien plein de rebondissements et dont on se souviendra dans quelques années, autant que de nos plus grandes histoires. Je sais pas toi, mais moi ça me branche carrément. J’éclate en sanglots, mêler à des rires nerveux. Franchement il a surpassé tout ce à quoi je m’attendais de cette journée. C’est la voix étranglée par l’émotion que je reprends la suite. Putain t’es con, je fais dans un premier temps en le tapant avec le bouquet tout en en essuyant mes joues. Tu vois là, je pensais vraiment pas que j’allais pleurer. Je m’étais dis, « les aventures des colocs à Las Vegas » forcément on va faire que rire et emmerder Frankie. Et je crois que pour la première fois, de nous trois, c’est moi qui a le moins pris au sérieux l’expédition. Je ripleure en reniflant – sexy. Je crois que tu as putain de bien résumé notre vie jusqu’à aujourd’hui… et celle qu’on continuera de vivre demain. Parce que je me suis jamais autant éclaté dans ma vie depuis que, justement, t’es entré dans la mienne. Alors ouais reste dans ma vie Ezra, personne d’autre avant toi n’a su me faire sentir vivre comme ça. Vraiment, entre les séances coiffure à l’appart, les courses express en slip rose en plein hiver, et tes virées shopping improbables au Target, tu nous étonnes de jour en jour avec Frankie et clairement sans toi, mon quotidien aurait pas ce goût de malt effervescent qui fait tant de bien. Beauf jusqu’au bout la Ivy. Et ouais, moi aussi ça me branche carrément de continuer à vivre comme ça, à tes côtés, à passer ma main dans ta barbe avant de me faire engueuler parce que tu venais d’en prendre soin, à accepter que Klaus vienne dormir entre nous certains soirs et à accepter que mon oreiller soit trempé de sa bave et pas de la tienne, à accepter ta jalousie envers Boomang, ouais ça me branche carrément de continuer de me foutre de ta gueule quand ton accent allemand revient parce que ça te rend terriblement sexy, même si tu portes des chaussettes sous tes sandales. Oui, Ez, je veux continuer ma vie avec toi, parce que tu la rends si drôle, si authentique, si belle, si unique. On ira à Munich, au Canada, on retournera même à Hawaï, la seule condition qui m’importe c’est que tu sois là quand on ira là-bas. Alors Ez, je vais pas te demander de devenir mon homme, je vais te demander de continuer de l’être comme tu le fais si bien depuis le début.

Je reconnais bien mon Ivy quand elle dédramatise la situation en me complimentant sur mes birkenstock. J'hésite à lui sortir une réplique bien beauf du style "toujours sur mon trente-et-un pour ravir tes beaux yeux poupée", mais Elvis me coupe dans mon élan. Et tant mieux, à vrai dire. Ça aurait été un coup à partir en vieux fou rire nerveux qui aurait ruiné la beauté du moment.
Surtout qu'après ça, on part dans les discours plein de sentiments qui nous font perdre toute envie de rire. Enfin perso, j'ai juste envie de sourire tout du long, à tel point que mon visage commencerait presque à me faire mal. Et quand je vois Ivy qui se met à pleurer, l'émotion est juste trop forte et mon sourire s'élargit de plus belle. C'est pas tous les jours qu'on voit une guenon aussi émotive. "Putain t'es con", qu'elle me fait en me frappant avec son bouquet. Je l'ai pas volée celle-là. J'avoue, je suis à deux doigts de craquer moi aussi. Ça aide pas non plus, qu'elle me balance tout son pollen dans la gueule. Mais depuis le début de la cérémonie je me retiens, je vois juste un peu flou mais je m'empêche d'être trempé de larmes ; la transpi c'est suffisant.

Mais ça devient de plus en plus compliqué, à mesure qu'Ivy continue son discours. "Je crois que tu as putain de bien résumé notre vie jusqu’à aujourd’hui… et celle qu’on continuera de vivre demain. Parce que je me suis jamais autant éclaté dans ma vie depuis que, justement, t’es entré dans la mienne. Alors ouais reste dans ma vie Ezra, personne d’autre avant toi n’a su me faire sentir vivre comme ça. Vraiment, entre les séances coiffure à l’appart, les courses express en slip rose en plein hiver, et tes virées shopping improbables au Target, tu nous étonnes de jour en jour avec Frankie et clairement sans toi, mon quotidien aurait pas ce goût de malt effervescent qui fait tant de bien." Je lève plusieurs fois les yeux au plafond pour empêcher mes glandes lacrymales de faire leur boulot, mais à chaque nouvelle phrase, je me mets à glousser et l'humidité monte dans mes yeux. Elle résume absolument tout à la perfection. "Et ouais, moi aussi ça me branche carrément de continuer à vivre comme ça, à tes côtés, à passer ma main dans ta barbe avant de me faire engueuler parce que tu venais d’en prendre soin, à accepter que Klaus vienne dormir entre nous certains soirs et à accepter que mon oreiller soit trempé de sa bave et pas de la tienne, à accepter ta jalousie envers Boomang, ouais ça me branche carrément de continuer de me foutre de ta gueule quand ton accent allemand revient parce que ça te rend terriblement sexy, même si tu portes des chaussettes sous tes sandales." Quand je vous dis qu'elle est géniale, je vous mens pas. Rien que le fait qu'elle accepte mes goûts douteux et mon chien, c'est déjà des bonnes raisons pour l'épouser. Alors à nouveau je rigole un peu en regardant ailleurs, un peu gêné, et je lui tire même la langue quand elle évoque mon accent à couper au couteau qui fait tant mon charme, si on l'écoute.
"Oui, Ez, je veux continuer ma vie avec toi, parce que tu la rends si drôle, si authentique, si belle, si unique. On ira à Munich, au Canada, on retournera même à Hawaï, la seule condition qui m’importe c’est que tu sois là quand on ira là-bas. Alors Ez, je vais pas te demander de devenir mon homme, je vais te demander de continuer de l’être comme tu le fais si bien depuis le début." Bon et puis forcément, ce qui devait arriver arriva, une ou deux larmes, ces connasses, s'échappent. Je croise finalement à nouveau le regard de ma blonde, et le temps semble se mettre en pause, l'espace d'un instant. Plus aucun bruit, plus personne autour, juste elle et ses yeux gonflés par la fatigue et les larmes, mais rayonnante malgré tout. Je soupire profondément, puis je dis tout bas en haussant les épaules : J'crois que c'est pas à toi de me demander mais plutôt à Elvis, mais après j'sais pas je suis pas trop calé en mariages t'sais. Qu'est-ce que je suis con putain. Mais c'est dur d'assumer autant de belles paroles et de fortes émotions d'un coup, et je pense qu'elle est du même avis que moi.

A ces mots, le fameux sosie revient et nous pose la question fatidique : "Ezra Otto Feuerbach, voulez-vous épouser Ivy Katerina Cordanov ici présente ? A laquelle je réponds, en bon beauf qui s'assume : Ah bah ouais, et pas qu'un peu. Forcément, à nouveau, je regrette quasi immédiatement ma réponse. Enfin le ton sur lequel je l'ai donnée, pas la réponse en elle-même. Jamais je regretterai ça, à mon avis. Maintenant j'attends juste qu'Ivy en fasse de même, qu'Elvis m'autorise à la prendre dans mes bras, qu'il chante "I can't help falling in love with you" pendant qu'on nous balance des grains de riz et qu'on s'en aille vite décompresser ailleurs avec tous nos proches autour d'une bière de qualité.