L'ambiance est propice à un film d'horreur.
Le jour n'est pas encore levé, embrassant les habitations closes des profondeurs de la nuit.
Le vent, épais et chaud, souffle à travers les arbres bordant la route, arrachant les feuilles qui tombent, une à une, de façon morne sur le trottoir humide.
Il marche, éclairée par la lueur de quelques lampadaires, plantés là, droits, à distance équitables les uns des autres, comme une rangée de soldats fatigués par le temps.
Depuis quand sont-ils là ?
10 ans ?
20 ans ?
Ou 30 peut être ?
Ils surplombent l'ombre de la foule déserte, tentent vainement d'apporter de la vie à ce vieux trottoir gris.
Il marche, tel un pantin, plongeant les pieds dans une flaque d'eau froide et fétide qu'il n'avait pas remarquée.
Il regarde ses chaussures, blanches aux motifs triangulaires, souillées et détrempées.
Tant pis.
Après tout, où est l'importance ?
Ses pas se traînent péniblement.
Encore et encore.
Afin de se sentir un peu vivant, il souffle doucement sur ses doigts gelés, brisant le silence pesant qui l'entoure.
À ses oreilles, des écouteurs feignent de tomber.
Il les écoute d'une oreille sourde.
Comme hypnotisé par un son sans timbre.
Jetant un regard furtif sur sa montre, il s’étonne de l’heure actuelle: 00h06.
Depuis quand marchait-il ?
Une heure ?
Deux heure ?
Ou peut-être plus…
Les notes des musiques françaises s’enchainent en lui, il chantonne, par moment, quelques extraits de « L’hymne à l’Amour » d’Edith Piaf.
Tournant les talons, il se redirige vers son université respective.
Une forte crampe le saisit.
Il se sent mal, le simple fait de respirer devient de plus en plus compliqué. Sa vision se trouble et ses jambes le lâchent.
Une minute semblable à des heures de souffrance s’écoula.
Aussi vite qu’elle est arrivée, la douleur s’évapore.
Il se relève.
Sa respiration demeure haletante et son coeur ne cesse de battre à la chamade.
C’est étrange, cela ne lui était jamais arrivé auparavant.
Continuant son chemin, il essaye, en vain, de trouver l’origine de cet événement pour le moins inattendu.
Ses pas raisonnent d’un rythme monotone sur le bitume mouillé.
Il arrive à destination.
Une musique aux allures joyeuses se fait entendre en lui: « Shut up and let me go ».
Un faible éclat sur ses lèvres semble vouloir percer les profondeurs de la nuit.
Lueur envolée.
Les ténèbres le saisissent, l’envahissent.
Cette même douleur revient à la surface, il ne se laisse pas faire.
Titubant jusqu’à l’infirmerie, il brise la vitre et enfonce la porte.
Les fragments de verres crépitent sous la semelle de ses chaussures, toujours aussi souillées.
Ouvrant le placard, il avale deux antibiotiques.
(…)
Douleur envolée.
Un air inquiet s’empare de son visage.
« Et si ça recommence ? » Murmure t’il.
D’un geste brusque mais décidé, il attrape plusieurs boîtes d’antibiotiques.
Une.
Deux.
Quatre …
Maudissant intérieurement les injustices de la vie, il glisse les médicaments dans les poches de son gilet en laine.

electric bird.