Aujourd'hui, avec Lola - une connaissance que j'ai rencontré quand j'ai fait les soldes l'année dernière, on a décidé d'aller s'acheter de nouvelles fringues. Vous allez me dire, encore. Mais sachez qu'une fille n'a jamais trop de vêtements, c'est comme ça. Et les pompes, c'est pareil. Je referme ma portière et verrouille la voiture, après avoir repéré mon amie. Je remonte la lanière de mon sac sur mon épaule, m'approchant d'elle.

- Kuku, alors, prête à faire chauffer la carte ? me demande Lola en m'embrassant sur la joue.
- Evidemment !

On entre bras-dessus bras-dessous dans le centre commercial et on se dirige d'abord vers une boutique de pompes. Je kiffe cette boutique, y a toujours des trucs énormes. C'est un peu le Courir des chaussures à talons, si vous voyez ce que je veux dire. Le Paradis, c'est clair et net. Après quelques essayages et achats, on ressort, direction la maroquinerie, où, personnellement, j'trouve pas grand chose, mais Lola en ressort les mains pleines de poches. On passe dans une, puis deux boutiques de fringues en tout genre, avant de nous arrêter dans une troisième. Et j'dois dire que dans les deux précédentes, on a mis nos achats de côté parce que merde, sinon on allait être chargées hu. Et c'est bien pratique, si vous voulez mon avis. Se balader avec 50 trucs différents, d'une c'est encombrant, de deux, ça commence à faire lourd, et pour finir, c'est chiant.

Et alors que je commence à fatiguer, Lola me balance un tas de sous-vêtements à essayer - cette nana c'est pire que Becky dans l'Accro du shopping j'vous jure - elle me pousse dans une cabine, et j'ai pas franchement la force de refuser. Elle referme le rideau qui me sépare du reste du magasin, avant de me lancer un "Bon aller, tu me préviens quand t'as fini surtout !". Et puis là, évidemment, j'ai plus trop le choix de m'opposer hein. Du coup j'en essaye un, deux, qui ne me plaisent pas franchement une fois sur moi, et une fois le troisième ensemble enfilé, je tends la main hors de la cabine, attrape le bras de Lola et la traîne à l'intérieur, encore face au miroir. J'vais lui dire que j'arrête, elle m'épuise, trop d'énergie en elle, pas assez en moi huhu.

- Bon, tu trouves pas qu'il me fait une jolie poitrine et-

Je m'arrête brutalement. C'est pas Lola ça. C'est pas Lola du tout même. Ou alors elle est devenue sacrément poilue en deux minutes à peine. Le comble. J'ai chopé un mec de deux mètres de haut au lieu de choper Lola qui fait un mètre 65.

- Ben que, enfin, je, tu fous quoi là ? Cette voix on dirait que je couine, c'est horrible hu.

J'attrape c'que j'peux pour me couvrir un minimum parce que bon, quand même. J'apprécie pas forcément me retrouver à moitié à oilp devant un inconnu. Je recule, histoire de. Enfin j'l'agresse à moitié mais c'est quand même moi qui l'ai embarqué, c'est n'importe quoi. Mais j'dois avouer que sur le coup, j'savais pas franchement quoi dire. Si j'étais blanche, je parie c'que vous voulez que je serais écarlate. Dieu merci j'suis pas blanche.

Je me suis trouvé un job étudiant sympa pour l'année prochaine. Y a moyen que je complète mon emploi du temps de branleur en faisant quelques heures par ci par là en tant que serveur dans un resto de Montréal à la rentrée prochaine. Et si ça peut me rapporter un peu d'argent, je dis jamais non moi. Le truc, c'est qu'apparemment c'est pas n'importe quel restau et que, ne serait-ce que pour l'entretien d'embauche, je dois avoir l'air super classe. Donc chemise, veston et cravate obligatoires. Tout ce que je n'ai pas dans ma garde robe, forcément. Sauf s'ils acceptent la chemise de bûcheron, mais ça, j'en doute pas mal.

Du coup, aujourd'hui encore, je me retrouve au centre ville. On va finir par croire que je suis une fashion victim, à la fin. Enfin bon. Je teste une ou deux boutiques de fringues, sans résultat vraiment concluant. C'est que je deviendrais presque difficile, en fait. Du coup, un peu gavé, j'entre dans une troisième, avec pour simple objectif de trouver la perle rare. Enfin, les perles rares, puisque j'ai trois trucs à trouver. Je tombe rapidement sur la cravate parfaite. Toute simple, bleu foncé, ça fera l'affaire. Je me retourne ensuite, et admire sur un mannequin la tenue idéale du serveur en grand restau : pantalon droit, foncé, chemise blanche, veston à carreaux et une jolie veste. Le tout en soldes, en plus. Si c'est pas beau, ça ! Je récupère le tout et fonce essayer l'ensemble.

Alors que je rejoins les cabines d'essayage, un bras sort subitement de l'une d'elles et m'attrape à l'intérieur. Was. Zum. Teufel. Y a que des malades au centre ville de Montréal ou quoi ? Je me retrouve alors nez à nez avec une jolie fille en petite tenue. "Bon, tu trouves pas qu'il me fait une jolie poitrine et-" Très petite tenue, même. Automatiquement, bon gentleman que je suis, je tourne la tête. Je suppose que c'est pas moi qu'elle voulait attraper. "Ben que, enfin, je, tu fous quoi là ?" Elle bafouille à moitié, visiblement aussi surprise que moi de me retrouver dans cette cabine, et attrape ce qu'elle peut pour se couvrir un minimum. Ce que je fous là ? Je sais pas moi, j'ai pas choisi de me faire embarquer par une fille qui essaie des sous-vêtements !, je lâche en haussant un peu le ton mais sans quitter mes pieds des yeux. Je lève ensuite la tête une fraction de secondes, frénétiquement, histoire de visualiser son visage. Ben merde alors. C'est la VP Moonstone, je crois bien. Putain, mais je tombe que sur les folles furieuses d'Enamor ou quoi ? En tout cas, c'est vrai qu'il lui va bien, son ensemble. Mode beauf coincé activé. Je me racle la gorge, hoche brièvement la tête avec une légère moue, et ajoute, d'un ton plus neutre : Et sinon, ouais, il est.. Bien, le.. Eumh. L'ensemble. Si jamais elle voulait mon avis. Je tente un léger sourire qui passe bien. Un peu plus crispé que ce que je voulais, mais tant pis.

Va peut être falloir que je pense à me barrer de la cabine, moi.

L'inconvénient, quand tu décides de faire du shopping en été et d'embarquer un inconnu dans la cabine d'essayage alors que t'es découverte, c'est que généralement tu sors rarement en jean-col roulé alors pour te couvrir après, c'est la merde. Essaie donc de te cacher avec un short moitié déchiré et un tee-shirt court, j't'attends. Y a qu'à moi qu'ça arrive,  ce genre de choses, c'est pas possible autrement quoi. Heureusement, et j'pense qu'j'pourrais le remercier, il m'observe pas. Tant mieux tant mieux, merci inconnu. "Ce que je fous là ? Je sais pas moi, j'ai pas choisi de me faire embarquer par une fille qui essaie des sous-vêtements !" Ouais bon. Il a pas franchement tort. Mais aussi, pourquoi Lola était pas devant, hein ? Elle a dit qu'elle resterait devant, là, alors forcément j'ai pas regardé zut.

- Ouais, désolée, je, enfin excuse-moi. Juste, j'pensais pas ramener un mec dans la cabine. Enfin tu dois t'en douter, mh.

Aller tais-toi Rob. Je souffle. J'peux pas vraiment me rhabiller, parce que le truc c'est que ces sous-vêtements sont pas les miens, et j'compte pas me changer devant Monsieur le Barbu, voyez-vous. J'pense qu'il en a déjà assez vu en fait hu. Du coup j'reste comme une conne plantée, là, moitié à oilp devant faut que je lui demande son prénom peut-être si j'veux le citer efh. "Et sinon, ouais, il est.. Bien, le.. Eumh. L'ensemble." il fait après s'être raclé la gorge, moins agressif que t'à l'heure, il sourit, même. Je me mords les lèvres, esquissant plus ou moins un sourire. C'est pas son avis à lui que je demandais au début, mais vu que Lola, j'sais pas où elle s'est foutue, ben voilà. Ca m'en fait toujours un, on va pas cracher dessus, c'est toujours ça de pris.

- Ah bah euh... Merci.. Merci beaucoup. Et hum, c'est quoi ton prénom en fait ?

Y a peu de chances qu'on se recroise un jour, mais bon. J'aimerais bien savoir quand même comment il s'appelle, le grand barbu. ... Et là devinez quoi. J'vous le donne en mille. La Lola qui m'appelle de l'autre côté du rideau. Ah ouais mais non.

- Bon Robyn, il t'en faut du temps pour enfiler ça quand même ! Je me faufile derrière le mec, plaquant le bout du rideau contre la paroi pour pas que la folasse derrière l'ouvre. Ben qu'est-ce tu fous ?
- Non mais, hum, j'suis pas habillée, Lola ! C'est pas ma taille, tu t'es gourrée. J'fais pas du 38 hein.
- Mais j't'ai pas donné de-
- Si. J'veux bien que tu m'emmènes une taille en-dessous s'il te plait.
- Et le haut il va ?
- Ouais, ouais ! Aller va-t-en, je souffle. Euh, encore désolée, je fais à l'intention du mec. Mais t'imagine pas de quoi elle est capable.

Je jette un coup d'oeil à l'extérieur. Pourquoi le rayon est juste en face. Merde. Je soupire. C'est pas que je veux pas qu'il sorte - au contraire - mais j'me méfie, l'autre elle serait capable de le gueuler partout et j'aime pas trop ça. Et qui sait ce qu'elle pourrait avoir dans la tête une fois qu'elle l'aurait vu. Aller fais fonctionner ton cerveau, Delovres, c'pas bien compliqué quand même.

- Franchement excuse-moi, c'est pas qu'j'veux te kidnapper ou quoi, hein, mais bon euh voilà quoi. J'veux pas qu'elle gueule n'importe quoi, j'ai une réputation à tenir, enfin pas que tu sois moche, pas du tout, ou que t'aies l'air pas recommandable, non, du tout, c'est pas ça ! Mais, enfin tu vois, je me tais. J'm'enfonce là, on est d'accord ? Oublie. Si t'as une idée, hein...

J'sens que ce bordel ça va finir en opération commando j'vous l'dis.

"Ouais, désolée, je, enfin excuse-moi. Juste, j'pensais pas ramener un mec dans la cabine. Enfin tu dois t'en douter, mh." Je hoche la tête, les yeux toujours rivés au sol. Heureusement qu'elle comptait pas ramener un mec dans sa cabine. Encore moins un inconnu. Encore moins moi, mh. Oui ben oui ouais, je m'en doute un peu ouais. Nouveau raclement de gorge. Bouge toi Ez, fais quelque chose, reste pas planté là comme un teubé. "Ah bah euh... Merci.. Merci beaucoup. Et hum, c'est quoi ton prénom en fait ?" Je relève la tête, comme par réflexe quand on me pose une question, et me rappelle soudainement, comme si je l'avais oublié une seconde, que la jeune femme qui m'adresse la parole est quasiment à poil. Aussitôt la tête relevée, aussitôt tournée vers.. Vers ailleurs, en fait. Oh tiens, le rideau de la cabine par exemple. C'est parfait à regarder, ça. Ezra, c'est Ezra. Et toi c'est Robyn Delovres, de l'UE, je me trompe ? L'art et la manière de mettre les gens mal à l'aise. Réalisant que je viens de faire une sacrée boulette en avouant que je la connais, je lui tends la veste de la tenue que j'étais censé essayer. Ça la couvrira un minimum. Mh, tiens, si jamais tu veux t'habiller un peu...

C'est alors que la pote de la fille débarque derrière le rideau. "Bon Robyn, il t'en faut du temps pour enfiler ça quand même !" Bon bah j'avais raison, c'est bien Robyn Delovres. Supeer. Allez, plus que deux, et les cheffes de chaque maison m'auront foutu dans une sacrée situation. Robyn saute sur le rideau et le plaque pour ne pas que sa pote l'ouvre. Ah bah bravo, maintenant va falloir que je me trouve un autre endroit à regarder. Le miroir ? Ben voyons. Le mur ? Bof. Retour aux chaussures, donc. C'est bien, les chaussures. J'écoute ensuite la petite conversation entre Robyn et "Lola," et soupire. Y a que moi pour me foutre dans ce genre de situations, faut croire.

Une fois la Lola partie, Robyn se retourne dans ma direction. "Franchement excuse-moi, c'est pas qu'j'veux te kidnapper ou quoi, hein, mais bon euh voilà quoi. J'veux pas qu'elle gueule n'importe quoi, j'ai une réputation à tenir, enfin pas que tu sois moche, pas du tout, ou que t'aies l'air pas recommandable, non, du tout, c'est pas ça ! Mais, enfin tu vois... J'm'enfonce là, on est d'accord ? Oublie. Si t'as une idée, hein..." Au final, je lève la tête, m'efforce de la regarder dans les yeux, et souris d'agacement. J'te propose mon plan. Tu regardes quand ta pote est bien de dos, tu attends qu'elle soit bien concentrée sur une jolie culotte ou un soutif, et j'en profite pour me barrer dans une autre cabine, ni vu ni connu. Qui ne tente rien n'a rien, hein ? Je tente de faire au plus sympa, et d'être le plus conciliant et le moins sec possible. Mais dans ma tête, honnêtement, c'est plutôt "démerde toi avec ta réputation et viens pas me foutre dans ta merde, merci."

"Ezra, c'est Ezra. Et toi c'est Robyn Delovres, de l'UE, je me trompe ?" J'dois avouer que sur le moment, j'me fige et je le regarde bizarrement. Ok. D'accord. J'suis un peu perturbée pour le coup. Je réponds d'un bref hochement de tête, pas spécialement à l'aise. Il est pas aimable et en plus il me connaît. Trop cool, j'pourrais pas rêver mieux. Franchement mais qu'est-ce que je fais pour mériter ça. A la limite c'est le genre de choses qui m'arrivent, mais ayez au moins le bon sens de m'envoyer quelqu'un un minimum agréable. Et pas un faux bûcheron canadien mal rasé. "Mh, tiens, si jamais tu veux t'habiller un peu..." Je hausse les sourcils, et attrape rapidement la veste qu'Ezra, donc, me tends. Ra-ttrape-toi. J'enfile le vêtement, et j'ai moitié l'impression de nager dedans. Ouais parce que j'ai beau être grande, j'suis pas particulièrement large d'épaules, et encore moins que le grand bonhomme qui se tient devant moi. Mais j'fais gaffe pas retrousser les manches histoire de pas l'abîmer, parce que c'est pas à lui, vu sa manière de se fringuer, et s'il voulait l'acheter, c'est pas cool quand y a des plis. J'attache deux trois boutons, histoire de me cacher. Parce que j'suppose qu'il me l'a pas donnée pour qu'lui fasse un strip-tease après hein.

- Merci, Ezra.

"J'te propose mon plan. Tu regardes quand ta pote est bien de dos, tu attends qu'elle soit bien concentrée sur une jolie culotte ou un soutif, et j'en profite pour me barrer dans une autre cabine, ni vu ni connu. Qui ne tente rien n'a rien, hein ?" il propose avec un sourire alors que j'appuie mon épaule sur le mur, les bras croisés. Pas le genre de sourire gentil, c'est un bûcheron, hein. Un bûcheron aimable comme une porte de prison. J'crois que si j'avais été dans mes jours cons, j'l'aurais coincé ici. Et si y avait pas eu l'autre de l'autre côté, aussi, bien évidemment. J'lui aurais pas demandé son prénom je l'aurais appelé Saint-Aimable. Mais bon, moi j'vais le rester, aimable, de toute façon il en faut bien un pour racheter l'autre.

- De toute façon, on a pas franchement trop le choix, hein. Va bien falloir que j'me rhabille. Et puis bon, ça risquerait d'être gênant si j'me changeais devant toi, on est d'accord.

Je me retourne et guette Lola de l'autre côté du rideau. Elle marmonne toute seule dans son coin, toujours en train de fouiller les rayons. Doit plus y avoir la taille que j'lui ai demandé, sinon elle serait déjà revenue au galop. Elle s'arrête de chercher, les mains sur les hanches, se retourne et appelle une vendeuse. Elle doit lui expliquer la situation, parce qu'après elles retournent vers le rayon, et la vendeuse cherche. Elle connaît pas Lola, cette fille a l'oeil quand il s'agit de fringues. Enfin en tout cas, pour le moment, ça l'occupe, puisqu'elle râle sur la pauvre fille. En gros, c'est le moment où jamais pour Ezra de se casser. Je me tourne vers Monsieur le Barbu.

- C'est le moment de nous faire nos adieux, j'annonce, moqueuse. L'autre est occupée, j'pense que tu peux sortir sans trop de problèmes. Agite-toi l'oignon et ça devrait passer comme une lettre à la poste. J'te rends ta veste dès que j'me change, et puis. T'auras qu'à laisser dépasser une de tes chaussures histoire qu'j'me trompe pas de cabine. J'rentrerai pas, t'inquiète pas surtout, j'suis pas une folle furieuse. Je change de côté, histoire de lui laisser la place, glissant mes mains dans les poches de sa veste sans faire trop gaffe. Ravie d'avoir fait ta connaissance.

"De toute façon, on a pas franchement trop le choix, hein. Va bien falloir que j'me rhabille. Et puis bon, ça risquerait d'être gênant si j'me changeais devant toi, on est d'accord." Je penche la tête en grimaçant. Effectivement, ça risquerait d'être gênant. Déjà que je suis pas à l'aise alors qu'elle a quand même au moins des sous-vêtements et une veste sur le dos, j'imagine pas si je devais rester ici, mh. Un Ezra coincé, on aura tout vu. Bah, en même temps, elle est quand même sacrément jolie, la Robyn, donc bon. Je me serais trouvé bloqué dans une cabine d'essayage avec un gros thon qui essaie des culottes gainantes, j'aurais pas été aussi perturbé. Bon, j'aurais pas non plus voulu la voir se changer, mais pas pour les mêmes raisons quoi.

Robyn observe les faits et gestes de sa pote. Et moi, comme d'habitude, j'attends du mouvement. Je tape discrètement du talon et croise les bras, agacé. Je me surprends aussi à renifler un peu. Mon nez me démange, doit y avoir de la poussière ici, ou alors j'ai chopé un rhume des foins. Génial, manquait plus que ça. Enfin bon, c'est juste un détail.

La vp Moonstone se retourne finalement en ma direction, se décale de l'entrée, et m'annonce que je peux me barrer. Eh bah. C'est pas trop tôt. Soulagé, je lance finalement un sourire sincère et complice. L'homme qui change d'émotions en une seconde chrono, oui oui. Elle m'explique qu'elle me rendra la veste dès qu'elle sera sortie de là elle aussi, et tout retournera à la normale. Elle termine son plan par un sympathique "Ravie d'avoir fait ta connaissance." Et moi donc, je réponds simplement. Inutile de faire long, de toute manière on risque de se recroiser à Enamor, donc bon. On aura encore tout le temps qu'on veut pour le thé et les petits gâteaux.

Je me faufile donc en dehors de la cabine, enfin libéré, délivré. big up à tous ceux qui, comme moi après ce passage, auront la chanson en tête pendant 4h ~ Tout serait si beau, si parfait, si seulement mon nez ne se décidait pas à faire des siennes. Juste à ce moment là, précisément. Tout juste à la sortie de la cabine. J'éternue. Et pas comme une petite fille de quatre ans, non non. Comme un gros bûcheron germano-canadien. Imaginez le bruit que ça fait. Je regarde tout autour de moi pour voir si j'ai quand même réussi à rester discret. Eh ben apparemment, non. Tout le monde me regarde. Y compris la pote de Robyn. Oups.

Ezra a l'air complètement soulagé lorsque je lui annonce qu'il peut sortir. Dans un sens j'le comprends. J'le kidnappe et j'suis obligée de le garder avec moi si j'veux pas que l'autre folle furieuse hurle je ne sais quelle connerie qui pourrait bien niquer ma réputation. Monsieur Barbu me sourit, même. Y a deux minutes il était énervé, et maintenant, il me lance un beau sourire. D'accord, tout à fait normal. J'esquisse un sourire. "Et moi donc" fait-il avant de sortir de la cabine. On pourrait croire que la situation ne pouvait mieux se dérouler, que tout est fini, qu'on en entendra plus jamais parler, qu'on est débarrassés... Mais non.

Là, juste à la sortie de la cabine, à peine le rideau immobile, Ezra éternue. Et ça fait le bruit d'une bombe. Je me frappe le front du dos de ma main. Et merde. Merde merde merde. Je me prends la tête entre les mains. Mais quel con, mais quel con. Je pousse le plus gros soupir du monde, et me pétrifie lorsque j'entends la voix de crécelle de Lola "OH MON DIEU." Putain de merde. Puis c'est le silence total. J'entends des pas se rapprocher, et j'ose pas franchement passer la tête dehors pour voir qui arrive. Je sais qui c'est.

Pourquoi ça m'arrive aujourd'hui, alors que je suis sortie avec Lola. Pourquoi j'suis pas sortie avec Lucy ou Hally, ou même Spencer. Elles auraient pas été aussi chiantes. Elles auraient pas gueulé. Muhu, pourquoi moi. J'entends Lola s'adresser à Ezra. "Pourquoi tu sors juste de la cabine de Robyn ?" Et là.

- Robyn ! elle m'appelle en ouvrant le rideau à moitié. Non mais quelle tarée ! Je me planque derrière ce qu'il reste de clôt.
- Lola, woh, ça va là ? je gronde tout bas, histoire de pas nous faire remarquer plus que c'est déjà fait.
- C'est qui ce mec ? Pourquoi il était avec toi là-dedans ? ... Oh non. Robyn. Oh non. Franchement... Jreste totalement perdue, comprenant pas ce qu'elle hurle dans la limite du chuchotement, ses yeux passant de Monsieur Barbu à moi-même. Trop naïve, innocente, ou débile, j'sais pas trop ce que je suis. Vous avez pas, enfin, ici, là, dans cette cabine ?

Je fronce les sourcils, ne suivant pas franchement l'autre tarée, avant d'écarquiller les yeux. Non mais elle est pas sérieuse elle ? Je soupire, complètement exaspérée. N'importe quoi. J'trouve ça limite déprimant. Cette fille me dépasse. Je jette un coup d'oeil désolé à Ezra, en espérant qu'il pardonne le cerveau de mouche de ma copine. Sauf que c'est franchement pas gagné. A coup sûr il va se casser. Pouce. Et c'est pas fini.

- Oh non je sais ce que t'es ! Un sale pervers ! Y en a pas mal des comme toi, espèce de sale voyeur ! PERVERS ! ROBYN, COMMENT T'AS PU FAIRE ÇA DANS UNE CABINE D'ESSAYAGE EN PLEIN CENTRE COMMERCIAL ! JE TE PENSAIS PAS COMME ÇA, VRAIMENT !

J'hésite. Me taper la tête contre un mur, me pendre au rideau, m'étouffer avec la veste d'Ezra, me faire minuscule, ou juste m'écrouler par terre. Ma réputation est fichue, je suis finie. Quelle merde. Mais quelle conne cette Lola. Si les gens nous avaient pas encore remarqués, c'est chose faite. Merci Lola.

Ça y est, la pote de Robyn s'approche. Mon dieu, qu'est-ce qui m'attend, encore. Je soupire, et attends la suite des événements. "OH MON DIEU." Je lève les yeux au ciel et soupire longuement. Le jour où je pourrai enfin venir dans ce foutu centre commercial sans qu'il m'arrive de couille, j'entrerai au couvent. "Pourquoi tu sors juste de la cabine de Robyn ?" Pourquoi je sors de sa cabine ? Parce qu'elle m'y a entrainé, tout simplement. Mais bon, ça, pour qu'elle y croit, je pense que c'est mort. Ne trouvant pas meilleure réponse, je bafouille une connerie. Je euh... Hein ? De toute manière, elle s'en fout visiblement, puisqu'elle passe directement à Robyn. Non mais elle pense réellement qu'il s'est passé quelque chose dans la cabine d'essayage ? Mais elle est conne elle ou bien ? J'ai du mal à croire à la situation, tellement c'est inimaginable.

Impatient et désabusé, je regarde mes pieds en espérant que, comme par magie, la situation s'arrangera. "Oh non je sais ce que t'es ! Un sale pervers ! Y en a pas mal des comme toi, espèce de sale voyeur ! PERVERS ! ROBYN, COMMENT T'AS PU FAIRE ÇA DANS UNE CABINE D'ESSAYAGE EN PLEIN CENTRE COMMERCIAL ! JE TE PENSAIS PAS COMME ÇA, VRAIMENT !" Non mais elle est quand même pas sérieuse ? Elle a quoi à la place du cerveau ? Ça existe vraiment des gens comme ça ? Bordel, en plus d'être conne, elle est bruyante et gueule bien fort, histoire que tout le monde s'imagine n'importe quoi. Merci, amie teubée de Robyn. Je soupire bien sèchement, complètement exaspéré, et décide de prendre les choses en main une bonne fois pour toutes. Bon, qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Ouais, je me suis discrètement tapé ta pote dans cette cabine en deux minutes à peine, parce qu'il faut avouer que je suis quand même sacrément précoce en plus de ça. Après si t'es assez crétine pour croire à de telles conneries, j'te souhaite bon courage dans ta vie future parce que tu risques pas d'aller bien loin. Sur ce, j'ai des fringues à essayer moi. Salut. A ces mots, je me casse dans la cabine juste à côté, et retire mon t-shirt pour enfin essayer cette chemise. Et tout le reste d'ailleurs, sauf la veste bien évidemment.

"Bon, qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Ouais, je me suis discrètement tapé ta pote dans cette cabine en deux minutes à peine, parce qu'il faut avouer que je suis quand même sacrément précoce en plus de ça. Après si t'es assez crétine pour croire à de telles conneries, j'te souhaite bon courage dans ta vie future parce que tu risques pas d'aller bien loin. Sur ce, j'ai des fringues à essayer moi. Salut." J'crois qu'en fait, j'aime ce mec. Et que j'ai jamais autant aimé quelqu'un. Vous verriez Lola, elle le regarde, les bras ballants, comme si elle essayait de comprendre ce qu'il dit. J'conçois que la situation ne prête pas forcément au rire, mais j'ai juste envie de me marrer, en voyant la pauvre Lola dans cet état, j'ai juste envie de mourir de rire. Mais bon, je me retiens, parce que n'oublions pas que bon. C'est quand même une grosse tarée. Promis je sors plus jamais avec des gens que je côtoie pas plus d'une fois dans l'année. Le bûcheron barbu se retire dans la cabine d'à côté, et j'fais de même, tirant le rideau que la blonde avait précédemment ouvert, ne trouvant rien à ajouter à ce qu'Ezra a pu dire. J'crois qu'j'vais lui construire un mini-temple à ce mec.

Je retire ce que je porte pour me rhabiller, parce que j'compte pas passer ma soirée ici, hein, contrairement à ce que vous pouvez penser. Je renfile mon jean, puis le crop top que je portais précédemment, avant de foutre mes pieds dans mes tennis. Je rattrape mon sac, la veste d'Ezra et c'que je compte acheter avant de sortir. Lola est toujours plantée comme une pv à côté de la cabine d'essayage. Wouh. Sa tronche à ce moment précis c'est puissant. On dirait que son cerveau fonctionne à 150, et qu'elle arrive plus à l'arrêter. C'est limite effrayant. Du coup je décide de la laisser tranquille le temps que j'vais payer à la caisse, histoire qu'elle se remette de ce petit événement.

Puis je tends le bras dans la cabine d'à côté, histoire de rendre sa veste à Ezra. Me semble qu'y a un porte-manteau à droite. Parce que bon, j'compte pas lui balancer par terre, ce genre de truc ça se froisse d'un rien et ce serait vachement pas cool n'empêche. J'pense qu'il a pas besoin de ça pour être énervé mh. Je réussis à atteindre le porte-manteau à l'aveugle, et j'peux vous dire qu'c'était pas simple.

- Merci Ezra, et encore désolée. Autant elle que moi, je fais de l'autre côté du rideau, tout en jetant un coup d'oeil à la blonde, qui semble retrouver peu à peu le contrôle de son cerveau. Flippant n'empêche.