Elle s’appelait Eulalie, elle avait 21 ans à l’époque et tout ce qu’elle souhaitait, c’était d’un jour, pouvoir réaliser son rêve. Aller en chine, se promener sur sa muraille et y travailler en tant que négociatrice internationale. Mais c’était juste un rêve. Même si un jour, elle avait l’opportunité d’y aller, elle n’y vivrait surement pas mais passerait quelques jours là bas pour les vacances.
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N’amour ! N’amour n’amour n’amour ! Ses cris stridents se faisaient entendre dans toute la maison. L’excitation de la demoiselle fit même aboyer le chien, le rendant tout fou.
Maxime était assis sur le canapé, une manette entre les mains et le regard fixé sur l’écran de télévision. Il laissa passer d’entre ses lèvres un simple
« hmm ? » en guise de réponse à sa chérie qui avait l’air de vouloir lui annoncer une bonne nouvelle.
Malgré qu’il ne l’écoutait qu’à moitié à cause de toute d’attention qu’il portait à son jeu vidéo, Eulalie continuait d’exprimer sa joie. Elle était habituée à parler dans le vide quand son amoureux était à fond dans un jeu, mais elle savait très bien qu’il l’écoutait tout de même d’une oreille.
- Tu te rappelles, la semaine dernière j’ai joué à un jeu pour gagner un voyage d’une semaine à Xi’an pour deux personnes. Bah devine quoi ? J’ai gagnéééééé ! Elle se mit alors à danser dans tout l’appartement avec les billets entre les doigts.
- C’est super, je suis content pour toi ma chérie ! Mais si tu pouvais te pousser, tu es devant la télé… Lui répondit Maxime d’un ton neutre.
La Québécoise fronça les sourcils en entendant cette réponse puis se posta volontairement devant la télé en écartant les bras pour qu’il pose enfin son regard sur elle.
- Waw, tu exprimes tellement de joie ! Bref, tu sais très bien que c’est mon rêve d’aller en Chine, alors prends tes vacances pour la semaine du voyage et on ira visiter ensemble la ville, d’accord ?Le jeune homme soupira en voyant le grand sourire de sa copine. Il posa sa manette et la regarda fixement, d’un air plutôt froid.
- Je ne peux pas prendre de vacances pendant cette période. Je te l’ai déjà dis, c’est là qu’on fait le plus de chiffre d’affaire donc pour moi, les vacances à Xi’ je ne sais quoi, ça ne sera pas pour cette année ! Tu n’as qu’à y aller toute seule ! Tout l’enthousiasme de la demoiselle fut réduit au néant d’un seul coup. Son sourire s’effaça aussi vite qu’il était apparut. Serrant les poings et serrant les dents de mécontentement elle se mit à crier.
- Ah ouai ? Bah puisque c’est comme ça j’vais y aller avec Dewai ! Ça lui fera surement plaisir de revoir sa ville de naissance !Le brun aux yeux bleus se leva et Eulalie eu un mouvement de recul. Énervé, il décida de lui dire ses quatre vérités.
- Bah vas-y ! Qu’est-ce que tu attends ? Fou le camp avec ce mec, partez loin à l’étranger et puis, faites des gosses pendant que vous y êtes ! Ca serait tellement dommage que vous vous priviez d’une relation amoureuse à cause de moi alors que vous avez tellement de points communs !Des larmes commencèrent à couler sur les joues de la jeune femme.
- Putain mais t’es con ! C’est mon meilleur ami comment tu peux dire ça ?! Et puis tu sais très bien qu’il est gay ! Sans en dire plus, elle alla prendre quelques vêtements et décampa de l’appartement.
-Où tu vas putain ?!- Chez Dewei et on n’est pas prêt de se revoir ! Il viendra chercher mes affaires demain matin, alors fait en sorte de ne pas puer le fennec ! Cette rupture changea totalement la vie d’Eulalie. Au début, se fut très dur d’oublier celui qu’elle avait aimée pendant quatre ans, mais Dewai, son meilleur ami fit tout ce qui était en son pouvoir pour lui redonner le moral chaque jour. Au début, il pensait vraiment que plus jamais il ne la verrait verrais sourire. Heureusement, le voyage à Xi’an tomba à pique, redonnant peu à peu la joie de vivre à la jeune fille au fur et à mesure que la date de l’évènement approchait.
Enfin, ce fut le moment de ce jour tant attendu par les deux jeunes gens. Aussi bien l’un que l’autre, ils étaient tout excités mais pas vraiment pour les mêmes raisons. Dewai lui, était vraiment heureux de pouvoir retourner dans la ville où il était né et ainsi avoir la chance de retrouver quelques membres de sa famille et de faire connaissance avec sa petite cousine juste née. Quant à Eulalie, c’était un rêve d’enfant qui allait enfin se réaliser. Depuis toute petite, elle avait toujours été passionnée par les pays asiatiques.
Pendant la semaine de son séjour en Chine, Eulalie se rapprocha beaucoup du guide touristique. Ils se voyaient tous les jours lors des activités, mais aussi en dehors des visites. Souvent, le beau jeune homme bridé l'invitait à dîner ou à simplement prendre un café chez lui. Il était célibataire, il était du même âge qu'elle, il s’appelait Chen Huo.
Son amour pour lui était presque aussi fort que l'amour qu'elle avait auparavant éprouvée pour Maxime. Aveuglement, elle se laissa tenter et décida de retourner en Chine pour venir vivre avec son nouveau petit ami.
Mais rien ne se déroula vraiment comme prévus. D'abord victime de maux de tête et de maux de ventre, la jeune Québécoise se rendit vite compte qu'elle était enceinte. Seulement, ce bébé n'était pas de Chen Huo mais bel et bien de son ex-petit ami. Se sentant trahis, ou peut-être bien pour autre chose, le guide touristique laissa Eulalie seule dans l'incompréhension la plus totale.
Ce n'est que lors de l’accouchement qu'il daigna pointer le bout de son nez. Eulalie, elle savait qu'elle ne serait pas là pour son bébé, elle savait que sa vie allait se finir. Son cœur lui faisait comprendre.
« Je t'en supplie, prend soin de mon bébé. » fut ses dernières paroles pour Chen Huo.
Le bébé fut alors placé en Orphelinat. Ses prénoms furent choisit par le jeune guide car il se présenta comme le père auprès des infirmières avant de totalement disparaitre. Feng-Po-Po pour le premier prénom et Eulalie pour le deuxième.
La tante de Dewai qui était très proche d'Eulalie avant sa mort informa son neveu de ces tristes nouvelles. Elle lui parla également de cette petite fille qui avait été placée à l’orphelinat. Elle avait voulu l'adopter, mais sa situation financière et familial ne lui avait pas permit un tel acte.
***
- Comment ça tu veux qu'on déménage au Québec ?
- J'aimerais qu'elle puisse au moins voir son pays d'origine. Et puis tu sais, ses grands parents aimeraient vraiment la rencontrer. A la mort de leur fille, ils ont été bouleversés, alors imagine comment ils ont été heureux quand je leur ai raconté toute l'histoire !
- Vraiment Dewai, je crois que c'est une mauvaise idée... Et puis ni elle ni moi ne parlons la langue.
- Écoute, je sais qu'il va falloir un temps d'adaptation pour vous deux, mais elle est encore jeune, elle apprendra vite. Donc c'est le moment pour elle d'y aller. Et puis ainsi peut-être qu'elle ne se fera plus persécutée... Ici, les homosexuels ne sont pas encore les bienvenues et ça, les enfants de son âge l'ont très bien compris. Au Québec, ça ne sera pas pareil. Je ne veux pas que le fais qu'elle ait deux papas soit la cause de ses tourments. Je ne veux pas qu'elle soit malheureuse à cause de nous. Un bruit sourd, comme une porte qui claque fit vibré le petit appartement.
-Elle a entendu. Soupira le petit ami de Dewai.
La nuit fut très longue pour la petite de 13 ans. Elle pleura beaucoup avant d'arriver à s'endormir. Mais pourquoi des larmes coulaient ainsi sur ses joues rougies ? Elle n'en était elle-même pas vraiment sûr. Était-ce parce qu'elle n'avait pas d'amis à cause de ses parents ? Ou était-ce parce qu'elle allait rencontrer des gens inconnus qui se disaient être de sa vraie famille ? Où était-ce encore la douleur d'être une fille orpheline ? Non. Elle aimait ses papas de tout son cœur et elle se sentait même reconnaissante envers eux.
Peu de temps après, la petite famille déménagea à Québec. Au début, se fut extrêmement dur, surtout pour le petit ami de Dewai qui ne pouvait pas obtenir d'emploi avant de savoir parler Québécois. Feng-Po-Po essaya de s'adapter aussi bien qu'elle le pouvait. Elle se fit d'ailleurs quelques amis et connu lors de son premier jour d'école la joie d'être abordée pas beaucoup de ses camarades. Pour elle, se fut un peu moins difficile de communiquer, comme elle parlait un minimum anglais.
Malgré tout, elle évitait de parler du fait qu'elle avait été adoptée et qu'elle n'avait pas un père et une mère, mais bel et bien deux père. Ce n'était pas par honte, mais simplement pour se protéger elle même et aussi parce que ce n'était pas l'affaire des autres. Malgré tour, tout le monde savait qu'elle avait été adopté. Par qui ? Un mystère comme jamais personne ne voyait ses parents. Mais c'était une évidence pour tout le monde car elle portait un prénom et nom de famille chinois mais n'avait aucun trait asiatique.
Jamais elle ne voulu faire la connaissance de ses grands-parents, pourtant dieu sait combien de fois Dewei essaya de la faire changer d'avis. Feng n'était pas vraiment curieuse et elle ne voulais pas que sa famille soit brisée à cause de trop de révélations et de vérités. Là aussi c'était une façon pour elle de se protéger du monde qui l'entourait. Mais peut-être qu'un jour, elle saura faire face à ses peurs et demande des explications.
Pendant plus de deux ans, ils galérèrent niveau finance. Dewai étant seul à travailler, il n'était pas rare que les mois soient très dur. Mais finalement, le deuxième papa de Feng trouva un travail au bout de deux ans et demi. La jeune fille put alors envisager de faire les études qu'elle souhaitait. Devenir psychiatre.