Pourquoi ? Ne me demandez pas pourquoi je me suis plantée au FEQ. Pour l'alcool, peut être, pour l'air ? Pour changer d'air, ouais voilà. Pour la musique ? Pour les gens qui y'a ? Oui, oui, je suis entourée ici. Je ne suis pas seule, à me morfondre dans un dortoir pourris d'une université à la con. Eh merde, ici, on est dehors, au camping, on peut fumer tranquillement, aussi, sans qu'ça pue la vieille clope de la Grand Tante alcoolique. Merde, j'aime déjà plus être ici.

J'meurs à petit feu. Je suis devenue un déchet, un vrai déchet. Je m'habille mal, genre, je met que des slims et des sweats, ouais, des sweats à capuche, et j'me cache toujours sur ce sweat. Puis, j'ai même teins mes cheveux en brun foncé. J'voulais du changement, ouais. Un changement qui rimait à cette reprise de vie à Enamor. Je resurgis de nul part, ici à ce pauvre festival, sur un coup de tête. C'la faisait des mois que je m'éclipsais, et que je venais à peine en cours. J'ai coupé tout contact social. J'ai même pas besoin de dire pourquoi.

D'la pauvre merde j'ai été, d'la pauvre merde. Où sont mes clopes, tain? Ces putains se cache encore au fin fond de cette poche. Putain, faut que j'me grouille, fait froid, j'ai envie de rentrer, j'ai pas envie de croiser des morts bourrés, j'ai pas envie qu'on me reconnaît, ici, là maintenant, qu'on revoit mon espèce de come back. Pas ici, j'veux voir personne, là.
Je sors mon briquet et ma clope, qui sont mes deux nouveaux meilleurs amis. Faudrait que j'arrête, ils riment avec la sorte de pauvre dépression que j'ai faite. Débilité, fragilité, Sky. Tu savais bien qu'il ne fallait pas offrir ton coeur. Et puis..

Merde. Merde, j'viens de bousculer dans quelqu'un, là. Foutues clopes à la con, foutues pensées, foutue Aria, foutue merde, sainte merde, vaste océan de merde ! Contradictions, je ne savais pas faire attention?

Putain, tu peux pas regarder devant toi ouais ? C'est pas comme si y avait pas de place et qu'on-


Directement, l'agression. Une Garnet, c'est ça ? Eh bah putain, j'suis pas d'humeur à essayer d'apprivoiser un Garnet pour le bien de l'humanité, na. J'vais faire semblant de rien, et me casser comme une chèvre apeurée. Mais na, ça va pas là. Cette voix me pose problème.
Je relève la tête et en effet. Bordel de m-e-r-d-e.. Nan, dites moi pas. Dites moi pas. Je reste figée, comme un poireau. Shay Marshall. Shay, putain.

Levis. Putain, me souffle-t-elle, s'avançant vers moi, retirant quelques mèches rebelles de mon visage, finissant par me prendre dans ses bras. Putain mais où t'étais foutue, Levis ? Tu branlais quoi ? Tu me faisais flipper, pauvre conne, elle me relâche, Qu'est-ce qui va pas ?


Oh putain, c'est rapide ça. Vraiment, je sais pas quoi en déduire. Je la vois, je vois de la tristesse, de la culpabilité, mais un putain de soulagement, et ça, ça m'emmerde. Ouais, elle me fait de l'effet, beaucoup d'effet, et un putain d'effet positif. J'ai presque envie de sourire, mais ses dernières phrases me refroidissent, et me rappelle à la réalité qu'est : J'ai disparu des parages, je ne répondais plus à Shay, j'ai tout abandonné autour de moi. Je la regarde, complètement dépitée et passe ma main sur mon front, chamboulée. Merde, quoi. J'aurai préféré mettre ma main dans le cul d'une vache que de vivre ce moment, auquel je n'étais pas encore préparée. Je soupire un bon coup, j'essaie d'enlever cette gorge nouée, qui annonce des larmes. J'suis pas une fragile, stout, c'est bon.

Putain, Marshall. je dis, plutôt alertée, choquée, soulagée, Ecoute, Marshall, j'suis désolée, là. Ouais, j'ai merdé, franchement. je soupire, agitant mes mains, insatisfaite de moi, J'ai vraiment réagis comme une putain d'Obsidian, c'est con, je soupire, et m'agite nerveusement, Ecoute, ça va, ça va, j'essaie de la rassurer, le sourire peiné, C'est les Moonstone, sont pas aussi naïfs et catholiques que ça, ahaha. je dis, tout en tirant sur ma clope, regardant le vide, l'air mélancolique et dépité.

Me laisse plus sans nouvelles comme ça. Et puis depuis quand tu fumes, Aria ? Tu veux dire que c'est ce con de Foster qui fait que t'es comme ça ? Il a fait quoi quand il t'a larguée ?

J'sais pas putain pourquoi je lui ai répondu ça, merde. J'suis pas sensée être à fleur de peau comme ça avec les gens, là. Non, je suis sensée montrer que tout va bien, ce sont les règles, c'est ainsi, c'est comme ça que j'ai su surmonté les choses depuis ce jour-là. Et j'men suis sortie ainsi, et c'est bon. C'est une manière si facile.. Je soupire un bon coup et essaie de me raisonner. J'roule les yeux au ciel et prie le Dieu du cul pour qu'il me donne une solution. Pour que je puisse rattraper mon dérapage. J'vais bien, merde. J'en suis persuadée. Comme de fer, même. Alors bon, Marshall, faut pas que tu t'inquiètes, pis, Foster. Bah, Foster n'a aucune emprise sur moi. Il n'en a jamais eu, jamais, je le sais, je le sais, je le sens, j'en suis convaincue.

Puis pour la cigarette, c'est pas trop grave, franchement. Par contre j'ai l'air d'être une sacrée alcoolique-dépressive, et tout, là. Et d'être une sale Obsidian à la con, préjugés y répondant. Je secoue la tête, un peu "apeurée" de l'incompréhension de Shay, et de sa révolte, j'pense. Je tiens ma cigarette du bout des doigts, et m'agite nerveusement, enfin, c'est parce qu'il fait très froid.

Promis, promis. Et, depuis toujours, j'fume. Enfin.. soit. je dis, le regard concentré sur le vide, essayant de suite d'enchaîner mes propos, pour pas laisser le Foster planer, Il a rien fait, il a rien fait. M'a juste plaquée. je dis, haussant les épaules, le regard toujours autant perdu.

J'ose pas affronter le regard de Shay. Son regard est le plus terrible et réell que je n'ai jamais vu. Son regard est comme la claire vérité, la sainte vérité. Son regard est comme un miroir qui filtrent mes erreurs. Son regard EST la réalité. Son regard nie à mes règles.

Il t'a peut-être 'juste' plaquée, mais ça a l'air de pas mal t'atteindre, Levis. C'est quoi le souci ? Tu ressembles à une loque, Levis, c'est pas normal. Qu'est-ce t'as branlé le temps que t'es partie ? Essaie pas de te convaincre que tu vas bien, parce que c'est pas le cas. T'as vu la tronche que t'as ? On dirait que tu veux tout fuir, bordel, t'as l'air complètement paumée, vide, et pas à ta place, alors que merde, on est supposés être ici pour s'amuser. Tu sais que ça prend pas avec moi, ça, Aria, tu peux pas me la faire à moi, tu le sais parfaitement. Alors je te repose la question, c'est quoi le putain de problème qui fait que t'es dans cet état-là ?


Wow, bah merde, quoi. Putain de merde, de grosse chiasse de vache obèse. Je baisse les yeux, premièrement, et cesse de m'agiter. Je fixe le sol, le regard pétrifié. Mes yeux commencent à s'assécher, et ils s'humidifient, comme si j'allais chialer. Sauf que non, j'vais pas pleurer, hein. Croyez quoi, vous ? C'est juste qu'ils sont déshydratés. Et que, je préfère souffrir de yeux secs que d'affronter Shay. Où est ma putain de force ? Où est cette obéissance parfaite à mes propres règles ? Où est Aria ? Crois-tu qu'en étant la fille bien dans sa peau et heureuse, tu es Aria ? Ce n'est pas toi, Levis. Tu es une putain de fille que tu n'es pas. Mais putain, merde, réveille-toi grosse ! C'est PAS maintenant que tu vas abandonner, quand même ? Tu as toujours su t'en sortir, c'est pas une personne qui a raison qui peut tout détruire de ce que tu as précieusement construit. Exactement, Aria Sky. Pourtant, j'ai l'air d'une pauvre filette de 5 ans qui a peur des monstres sous son lit. Mais quoi ? Mais quoi, bordel ? J'vais lui dire ce qui s'est passé ce soir-là ? Mais ouais, tu ris pauvre Sky ! Jamais. Jamais, jamais, jamais, jamais, jamais, jamais. JAMAIS ! Elle ne m'aura pas. Personne ne t'aura, Aria. Personne.

Mais pour tout l'or du monde je lui donnerai la vérité. Je la laisserai m'aider. Je lui donnerai ce plaisir. Je lui donnerai cette vérité comme cadeau. Je veux la combler. Mais ça m'est impossible. J'me suis construite, et j'suis impossible à déconstruire, parce que si on me déconstruit, je ne serai plus rien. Absolument plus rien. Je tire un coup sur ma cigarette et croise mes bras, et affronte enfin le regard de Shay.

Bah, Shay. T'avais raison, t'avais raison. je dis, l'air un peu triste et désolé de l'avoir fait marchée ainsi, L'amour ça détruit. Vraiment beaucoup. Enormément, même. Faut pas aimer des mecs. C'est pas bien. je dis, l'air qui se voulait crédible.

Par l'amour du ciel, priez pour qu'elle y croit. Priez. Elle me rend si faible, si faible au point que je puisse débattre avec ma conscience. Si faible au point que je doute de ma personnalité. J'vous en prie.

Je sais que j'ai raison. J'te l'avais dit Aria. C'est le seul sentiment qui fait qu'tu baisses la garde. Faut pas baisser la garde, tu comprends ? Ils ont aucune pitié. Ils veulent juste te baiser, Levis. Alors faut faire pareil. T'es jeune encore, c'normal qu'tu fasses des erreurs. Apprends à résister à ça. A l'amour. Redeviens ce que t'as toujours été, Levis. Une battante. Il a pas le droit de te démolir comme si, comme si t'étais juste un château de cartes. T'entends ? Oublie-le. Ici t'as tout pour te changer les idées. Tu vas pas me dire que t'es restée terrée dans ta tente sans assister à un seul concert ni boire une seule bière, Levis ? Aller, offre-moi un sourire, Ari. Et lâche-moi ça, c'est mauvais pour la santé.

Elle y croit, elle croit à la cause principal de mon malêtre. Je suis bien, bien, je suis rassurée comme jamais, ma nervosité, ma crainte s'écroulent comme de solides châteaux que j'avais construit avec soin. Mais elle est maligne. Elle a cherché, elle a essayé de m'avoir, elle a essayé de chercher la petite bête, elle est pas conne, Shay. Non, non. Elle a lâché le truc parce qu'elle sait que j'ouvrirai pas ma gueule aussi vite que ce qu'elle ne pense. Na. Puis bon, je m'en branle, là. Elle continuera sûrement de chercher après moi, mais viendra un jour où elle abandonnera. Ou TU abandonneras.

Ma clope, elle la prend, la termine et l'écrase sur sa basket. J'suis ses moindres mouvements. Encore un perdue, tu vois. L'agneau qui regarde sa mère, t'sais. Elle me tend son verre. J'le prends sans réfléchir et m'inflige une gorgée cul sec. D'la big bière. Je lui rends son verre et la regarde, encore le regard tout frêle.

Merci Marshall. J'serai jamais comment te remercier, tu sais, je lance, embêtée, puis je reprends, plus sérieusement, essayant de détourner toute cette conversation d'antan, Donc, hm, on fait quoi c'soir?

J'parle vraiment rien, moi. On dirait une attardée. Faut que j'apprennes à reparler. A insulter, à être vulgaire. Pis, merde de vache, ça viendra bien. Ah bah voilà.