Je jette un coup d'oeil à l'horloge: 2h du matin. Putain, il faut que j'y aille, je ne compte pas sécher les cours demain, euh, aujourd'hui enfaîte. De toute manière, une grosse partie du groupe est déjà partie il ne reste qu'une poignée de personne. Je me mets sur pied d'un coup. Oulah. Ok. Je me suis levée un peu trop vite. Je me rattrape au canapé. Mais combien de bière ai-je bu ? J'abandonne très vite la question, peu importe. Un constat me frappe. Je n'ai aucune idée de la manière dont je vais rentrer à ma chambre. Déjà que sobre, j'ai du mal à me repérer sur le campus... J'inspire un bon coup et expire. J'ai soudain très très chaud. Je m'aère le visage avec les mains. Après m'être promis de ne plus jamais boire de ma vie, je repose mes fesses sur le canapé à la recherche d'une solution.
Je pourrai bien dormir là de toute manière. Nan mais qu'est-ce que je dis ? Non, bien sûr que non, je ne peux pas dormir là, je ne veux pas. Je balaye la pièce du regard, à la recherche d'un sauveur mais il ne reste plus grand monde. Toutes sortes de déchets jonchent le sol... Je réprime mon envie de vomir en voyant une marre de bière renversée dans un coin de la pièce et me recentre sur mon premier objectif: trouver quelqu'un pour m'aider.  Il y a bien cette fille, la jolie brune (Fauve), je pourrai lui demander de m'aider. Il me semble qu'elle est à l'internat elle aussi, mais je n'en suis pas sûre. Elle ne s'est pas montrée très charitable depuis que je suis dans les parages mais bon, je ne vois pas bien à qui d'autre je pourrais demander... Bien décidée à aller la voir, je me lève, et cette fois je tiens à peu près sur mes pieds. Plus je m'approche d'elle, plus je ressens une certaine gêne. Ma grandeur me donne souvent de l'assurance mais elle est aussi grande que moi. J'ai remarquée la manière qu'elle a de me regarder, depuis le début, ça me trouble et je crois qu'elle en joue. Bon, enfaîte, je crois que je sais pourquoi je veux aller la voir elle, elle est quand même très très jolie. Je secoue la tête pour chasser les idées obscènes qui me viennent à l'esprit. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Les effets de l'alcool sur moi sont pour le moins déroutants. Sans m'en rendre compte, je me suis carrément arrêté à mi chemin entre elle et la canapé. Je me remet à marcher d'un pas que j'espère assuré et me plante devant elle. Je sens le rouge me monter aux joues, roh, tant pis, je me lance :Euh... S'il te plait... Tu... Euh... Tu sais par où sont les chambres ?

Je baille longuement, sans prendre soin de couvrir ma bouche. Mal-polie, va. Je jette un oeil à ma montre. Deux heures. Bah, ça va. Je n'ai pas de cours le samedi matin. C'est plutôt une bonne nouvelle, vu l'heure et vu mon état. Décuver en cours, ç'aurait pas été une bonne idée. Toute façon, cours ou pas, tu serais restée là à faire la loche. Non mais quoi, je suis en bien meilleur état que certains peuvent l'être. Il y en a qui dorment déjà, d'autres qui jouent encore mais le pire je crois, c'est les trois-quatre personnes allongées un peu n'importe comment dans le salon. Eux, c'est pas la fatigue, crois-moi. Je m'étire longuement, lançant un regard circulaire à la pièce, histoire de repérer les vivants. Tiens, la jolie Déborah. La pauvre, elle a pas l'air dans son assiette. Je pouffe en la voyant se lever, tanguer, se rattraper au canapé. Elle semble un peu paumée.

La voilà qui s'approche de moi maintenant. Je fronce les sourcils, elle titube jusqu'à moi. Euh... S'il te plait... Tu... Euh... Tu sais par où sont les chambres ? Merde, je me suis montrée tout sauf agréable tout au long de la soirée mais c'est moi qu'elle vient voir pour la raccompagner. Elle est maso je pense. Je hausse les épaules. Au moins, je resterais pas dormir ici telle une clocharde, autant saisir l'occasion. Je me lève. Putain je suis toute petite. Obligée de lever les yeux pour la regarder en face. Je serre les dents. Elle est terriblement attirante. STOP FAUVE, STOP. Je passe deux doigts sur ma tempe pour chasser ces mauvaises pensées. Sans un mot, je me dirige vers la sortie du salon, pousse la porte et m'engage dans le couloir.

Voyant qu'elle ne me suivait pas, je fais demi-tour et la regarde dans l'encadrement de la porte. Je ne peux réprimer un sourire enjôleur. Bah alors, tu viens ?

Enfaîte, c'est une fois à côté d'elle que je me rend compte qu'elle n'est pas s'y grande que ça. Assise comme ça, elle me parait même toute petite. L'alcool fausse complètement mon jugement. Je la vois réfléchir puis finalement, elle hausse les épaules. Qu-quoi ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Oui ou non ? Pour unique réponse, elle se lève et... Ah oui, elle n'est effectivement pas très grande. Elle pose ses yeux sur les miens. Elle a vraiment de très beaux yeux. Un éclair de désir semble traversé son regard, si rapidement que je me demande même si je n'ai pas rêvé. Ou peut-être est-ce juste moi qui déraille, qui sait ? Ma pauvre Debby, reprend toi, tu es complètement pathétique. Elle pose ses doigts sur ses tempes et c'est à ce moment précis que je regrette de lui avoir demandé à elle. Ça à l'air de profondément l'ennuyer. Alors que j'allais lui dire que c'était pas grave: j'allais me débrouiller, elle se met en marche vers la sortie. Quoi ? Alors c'est oui ? Je dois la suivre ? Je reste plantée là, complètement paumée et incapable de savoir si oui ou non je dois suivre la brunette qui jusque là ne m'a pas adresser une seule parole rassurante. Elle se retourne  brise finalement le silence "Bah alors, tu viens ?". Devant son sourire, auquel je ne suis pas vraiment habituée, je ne sais pas comment réagir. Après une petite seconde d'hésitation, je lui rends son sourire et bredouille Euh... oui-oui. Je la rejoins d'un pas rapide. Peut être un peu trop rapide enfaîte. Je manque de tomber et me rattrape...à son bras. Mon visage rougit violemment tandis que je lâche son bras pour m'appuyer sur l'encadrement de la porte. Est-ce que c'est l'alcool ou bien il y a vraiment eu un truc qui s'est passé quand je l'ai touchée ? Je plonge mon regard dans le sien avant de me raviser et de baisser les yeux. J'aurai pu la faire tomber, je suis un grand gabarit, avec le poids qui va avec, j'aurai pu lui faire mal. Et, elle, elle semble si fragile et pourtant son regard est dur et déterminé. C'est la fille la plus déroutante que j'ai jamais vu. Des excuses s'imposent: Désolé... J-j'espère que je ne t'ai pas fais mal.

Euh... oui-oui. bredouille-t-elle. Je ne la lâche pas du regard, dans le but de la déstabiliser un peu plus. Mouais, c'est plus l'alcool que toi, à mon avis. Permets-moi le bénéfice du doute, Ella. Je suis persuadée de la troubler. Elle me rejoint rapidement. Enfin me rejoindre... Elle me tombe dessus, ouais. Pour éviter la chute, elle s’agrippe à mon bras. Deborah ne bouge pas tout de suite, restant quelques secondes accrocher à moi. Puis, sans un mot, elle recule vers l'encadrement de la porte, où elle s'appuie. La lumière artificielle du couloir nous rend bien plus pâles et livides en général mais son rougissement ne m'échappe pas. La jolie blonde plonge alors son regard dans le mien.

Et puis c'est comme si le temps s'arrêtait. Une onde de chaleur m'a parcouru toute entière lorsque la peau de ma camarade a frôlé la mienne. Ses pupilles bleutées ne me lâchent pas. Je n'arrive plus très bien à penser correctement, étant légèrement perturbée par son attitude. Elle ne peut pas se rendre aussi désirable d'elle-même, elle ne doit pas avoir conscience de l'effet qu'elle fait, qu'elle a sur moi. Je me demande pourquoi elle ne s'est pas redressée tout de suite. Elle ne peut pas me troubler ainsi volontairement.

Brusquement, Deborah baisse les yeux et brise le silence. Désolé... J-j'espère que je ne t'ai pas fais mal. Mmh. Je lui en veux presque d'avoir mis fin à cet instant. En revanche, il est vrai qu'elle m'a bien secouée. Elle doit bien fait dix centimètres de plus que moi, alors que j'ai des talons. Ce qui est captivant, c'est qu'elle ne me domine pas d'un cheveu. Elle est plus grande, certes, mais j'ai l'impression qu'elle s'écrase totalement devant moi. Je fais deux pas vers elle, m'immobilisant à quelques centimètres à peine. De là, j'entends sa respiration. "Heureusement que non, Fauve ne sait pas ce qu'il se serait passé si ça avait été le cas..." je murmure de façon mystérieuse.

Sans prévenir, je me recule, arborant à nouveau un visage indifférent et une attitude distante. Je fais mine de regarder autour de moi, comme si je ne connaissais pas mieux les lieux qu'elle. "Fauve espère que tu sais où est ta chambre." j'ajoute en haussant les épaules. Je ne voudrais ni te laisser seule ici, ni t'infliger de dormir dans ma chambre... Fauve, tu es incorrigible, laisse-la tranquille maintenant, tu as assez joué.

Mais voyons, le jeu vient à peine de commencer.

Dans un silence total, elle s'approche de moi. Ou plutôt elle se colle à moi. Mon instinct m'ordonne de reculer, mais je suis bloquée. Coincée entre le mur et Fauve, je ne peux pas fuir. Je sens son souffle chaud caresser la peau de mon cou... Son visage est à quelques centimètres du mien. Je sens mon cœur s'emballer et je retiens mon souffle lorsque ses lèvres se mettent à bouger, bordel, elle a une bouche magnifique: "Heureusement que non, Fauve ne sait pas ce qu'il se serait passé si ça avait été le cas..." Je suis tellement captivée par sa voix et son expression énigmatique que j'en oublierais presque d'écouter ce qu'elle raconte. Je ne suis pas sûre de comprendre ce qu'elle me dit. Alors je me contente de soutenir son regard, le souffle haletant.

Finalement, elle se recule et mes épaules se relâchent instantanément. Je ne m'étais pas rendue compte que j'étais si tendue. Je me recompose une expression normale et tente de reprendre une respiration régulière. Quant à elle, toutes traces d’intérêt à mon égard ont disparues et elle reprend la même expression que celle que je lui connais depuis qu'elle a fait son apparition à la soirée: le dédain. Je déglutis péniblement en la voyant regarder autour d'elle. Que-quoi ? Qu'est-ce qu'elle cherche ? "Fauve espère que tu sais où est ta chambre." Hein ?! Je papillonne des cils, incrédule. Mais, euh, tu n'étais pas censée m'aider à.... Je me ressaisis. Je ne suis pas maso, je ne vais pas me laisser me faire maltraiter par cette fille. Laisse tomber. Je vais me débrouiller. Je secoue la tête: je n'ai pas la moindre idée de l'endroit où se trouve ma chambre. Mais je ne peux pas rester une minute de plus. Je suffoque ici. Je prends une grande inspiration et me redresse. Je veux la regarder une dernière fois. Mes yeux embrumés par l'alcool se baladent sur chacune des parties de son visage. Sa bouche d'abord, ses pommettes, son nez... Je finis par ses yeux et je m'attache à graver son regard dans mon esprit. Je n'ai pas envie de partir, mais je dois le faire, cette fille va me rendre dingue. J'avance enfin, lui faisant dos. Une minuscule partie de mon être voudrait qu'elle me retienne. Bon d'accord, peut être un peu plus qu'une minuscule partie...

"Mais, euh, tu n'étais pas censée m'aider à... Laisse tomber. Je vais me débrouiller." Je fronce les sourcils en entendant ça. Mince. Elle ne serait donc pas totalement sous mon emprise, la faquine. Peut-être n'est-elle pas aussi naïve qu'elle ne le paraît. Elle a un dernier regard vers moi, un regard sans aucune réticence. Elle me dévisage littéralement, oubliant que je suis là. Pourtant, pour quelqu'un de fatigué, qui souhaite trouver sa chambre, la blondinette est très longue à la détente. De longues minutes passent avant qu'elle ne se décide à bouger. L'alcool ? Le dépit ? Les deux ? Dans tous les cas, lorsqu'elle commence enfin à s'éloigner, ce n'est pas sans hésitation. Deborah me tourne ostensiblement le dos et c'est un véritable spectacle.

A mon tour, j'observe chaque détail de son corps. Ses cheveux tombant en cascade sur ses épaules, le mouvement de ses hanches au rythme de ses pas. Ses fesses. Elle est terriblement attirante. "Eh, le dortoir filles, c'est de l'autre côté." Je ne peux m'empêcher de la rappeler. Un moment de faiblesse. Elle a un corps à faire changer de bord le plus assumé des homosexuels. Ou la fille la plus hétéro qui soit, au choix.

Je prends la direction que je viens de lui indiquer avant qu'elle ne se manifeste. Si jamais elle me fout un vent, je préférerais être déjà partie. Je pense que j'irais la chercher et lui ferais un scandale si je suis toujours face à elle. C'est pas trop le moment, étant donné que t'as été affichée sur le panneau récemment... Je vois déjà le gros titre "Fauve, la folle échappée de l'asile a violé une élève d'Enamor". Mon esprit s'assombrit quelques secondes. La Dame du Tableau avait balancé que j'étais complètement dingue et que j'avais fui un hôpital psychiatrique, ce qui est totalement faux.

Je m'enfonce dans la pénombre du couloir en espérant entendre les pas de la joie Deborah derrière moi.

Le dos tourné, je sens pourtant ses yeux se balader sur mon corps. Sentir son regard me procure des frissons le long de la colonne vertébrale, je ne saurais dire si c'est une sensation agréable ou non. Je souris en l'imaginant, peut être un peu déconcertée par mon comportement, ou peut être qu'elle ne l'est absolument pas et qu'elle s'en tape complètement. Possible. Pour savoir, il faudrait que je me retourne...

Alors que j'allais céder à la tentation de me retourner, c'est sa voix qui rompt le silence: "Eh, le dortoir filles, c'est de l'autre côté.". Je m'arrête net de marcher. Merde. Ma sortie théâtrale est un peu ratée. Je pousse un long soupir. Arriverais-je un jour à me repérer dans ce putain de campus ? J'entends les pas de Fauve s'éloigner dans la direction opposée. Je me retourne enfin.

Sans surprise, je vois Fauve s'enfoncer dans un couloir qui n'a rien de rassurant. Alors qu'elle allait disparaître dans ce couloir qui semble sans fin, je me décide à la rattraper. Je bredouille un petit Attend ! Je me remet en marche, mon pas n'est pas aussi assuré que je l'aurais voulu mais tant pis. Je la rejoins enfin, je suis quasiment à ses côtés mais je reste un peu en arrière. Je me tiens à l'écart car j'ignore si elle a envie de me parler ou de me voir. Je ne sais rien de ses pensées, de ses envies, je ne sais rien d'elle enfaîte. Je suis en train de suivre une fille dont j'ignore absolument tout et qui s'est montrée tout spécialement désagréable envers moi depuis le début de la soirée. Je déraille complètement.

Enfaîte je ne sais pas vraiment ce qui se passe, je n'ai pas envie de la quitter maintenant. Je suis irrésistiblement attirée par elle. Le couloir est presque entièrement plongé dans l'obscurité. Je me mord la lèvre inférieure. La pénombre de cet endroit éveille tous mes sens. Un frisson me parcourt l'échine. Deuxième fois en peu de temps. Des pensées salaces me viennent à l'esprit. Je les repousse vigoureusement. Ce n'est pas le moment. Je m'attarde à me demander si elle aussi, elle ressent ce que je ressens en ce moment. Du désir. Je sens le désir me dévorer de l'intérieur. C'est le genre de vague de désir qui prend possession de votre corps et à laquelle vous ne pouvez résister. Pourtant je reste là, quelques centimètres derrière elle. Incapable de faire le premier pas.

"Attend !" Sa jolie voix de paumée m'arrache un sourire. Une marche pas vraiment régulière m'indique qu'elle me rejoint, pour mon plus grand plaisir. Je ne lui répond pas, pas tout de suite. Ce serait un coup à tout faire capoter, à aller trop vite ou à la faire fuir. On est presque arrivées. Ma chambre est la numéro six. La troisième porte sur la droite. On y sera vite. Je meurs d'envie de me retourner, de plaquer la blonde contre le mur, de l'embrasser fougueusement. Je voudrais sentir son corps contre le mien, se mouvoir sous mes caresses. Un irrésistible désir.

Sans m'en rendre compte, j'ai ralenti. La porte du couloir des chambres. Enfin. Le chemin m'a paru être une éternité. Je suis tellement impatiente. Te fais pas trop d'idées... Je pose la main sur la poignée et m'arrête. Pour seul éclairage, la sortie de secours. L'ambiance offerte par celui-ci est assez spéciale, à mi-voie entre un film d'horreur et une comédie cocasse. Si je passe cette porte, Deborah sur mes talons, nous finirons à coup sûr dans le même lit. Je veux être sûre qu'elle soit d'accord. Elle est juste derrière moi, je l'entends respirer. "Jusqu'où es-tu prête suivre Fauve ?" je lui lance, comme un défi. Je tourne légèrement la tête vers elle, pas assez pour la voir entièrement mais suffisamment pour déceler sa réaction. La lueur blanchâtre du logo lui donnait un air encore plus angélique.

Enfin, un ange... Pour suivre une inconnue dans un couloir mal éclairé d'une université vide après l'échange ambiguë que nous avons eu, elle est un ange corrompu à l'ivresse des plaisirs.