Cette nuit a été atroce. Non je n'ai pas fait de crise de somnambulisme. L'épisode avec Nathan s'était bien terminé mais malheureusement, ça ne finit pas toujours aussi bien. Non cette nuit, j'ai fait un cauchemar. Ou j'ai somnolé en ressassant des vieux souvenirs. Et pas les meilleurs.

Mon père vivait encore avec nous, en Californie. Je rentrais de l'école, toute fière de mon dessin. Pour la première fois, je n'avais pas débordé ! Imaginez l’exploit d'une enfant de 7 ans ! Avoir des contours parfaitement propres, mais je dis bien tous les contours, fallait faire péter le champagne ! Quoi qu'il ne m'avait pas attendu pour picoler. Je lui présentais mon œuvre, toute pimpante, le sourire aux lèvres, je l'attendais, ce putain de compliment. Mais ça lui aurait arraché la gueule de me féliciter au moins une fois dans sa vie. Et sous l'emprise de l'alcool, mon père n'existe plus. Il n'a rien trouvé de mieux que de déchirer mon dessin, de colère ou … j'sais pas. Apparemment, s'extasier pour si peu était interdit. J'ai pas compris. Étonnée, triste, haineuse, des sentiments multiples se sont emparés de moi. Et sans même réfléchir, je l'ai insulté de connard. Bah oui, à 7 ans, on apprend des gros mots, et je savais très bien qu'il fallait respecter ses parents, mais là... C'était sorti tout seul. A l'instant même où je réalisais mon erreur, je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche pour m'excuser que je recevais une gifle, je l'ai bien sentie, la paume de sa main. Je me souviens encore de cet impact. Après ça, il m'a balancée sur mon lit, et m'en a foutu une autre, ou deux, je sais plus. J'ai juste l'image d'un homme qui s'acharnait sur sa fille pour un dessin dont elle était fière...

Bref, c'est bientôt Noël, et ça fait plus d'un mois que je n'ai pas pris des nouvelles de mon 'cher papa'. Quelques heures après mon réveil, je prends mon courage à deux mains et je compose son numéro. Parfois, il est sobre et j'adore conversé avec lui quand il est 'lui'. Je l'aime malgré tout. Il reste mon père. Ça sonne. La pression monte. Il décroche. Et... Je ne reconnais pas sa voix. Merde. Mauvais timing.

- Allô, Papa ?
- Qu'est-ce tu m'veux ?
- Prendre de tes nouvelles. Et... Te souhaiter de bonnes fêtes. Mais apparemment, je tombe mal. N'est ce pas ?
- Bonne fifille, t'es intelligente. J'suis pressé. J'ai -
- Une bouteille t'attend ?
- Quoi ?
- UNE AUTRE BOUTEILLE T'ATTEND ?
- …
- Pauvre type.

Mon doigt n'a pas attendu ma décision pour mettre fin à l'appel. Comme si mon propre corps me protégeait inconsciemment. Ma gorge se noue. J'ai envie de pleurer mais je suis tellement en colère que les larmes refusent de couler. Faut que je sorte. Le froid de l'hiver devrait me geler un peu les neurones.

J'enfile ma doudoune, je prends un peu d'argent dans ma poche au cas où, et je quitte les lieux de l'université. Du moins, c'est mon intention. Je traverse la cour d'un pas décidé, mes mains rangées dans mes poches de manteau. Et je fonce tête baissée. Je marche en regardant mes pieds, la neige qui craque sous mon passage, j'adore ça. Je passe à peine le seuil du portail, virevolte vers la gauche et me bouffe un mec. Ça m'apprendra à ne pas regarder où je vais. Lui aussi n'y est pas allé de main morte. Une douleur aiguë à l'épaule me lance, mais c'est rien comparé à mon cœur qui saigne.

Je regarde à peine le jeune homme et lui lance d'un ton très bas et détaché :

« Désolée. »

Je fais un pas en avant pour continuer mon chemin quand je sens une poigne de fer saisir mon bras douloureux et me retourne violemment.

J'en avait râle cul de tous ces pères noël qui étaient accrochés un peu partout dehors. J'en avais marre de ces cadeaux et de ces faux sourire à Noel, j'en avais marre des dindes, des bûches et des sapins. J'en avais marre de Noel, je déteste cette fête. Chaque année je le fêtais avec les gens qui me servent de famille. Tout ce que je voyais c'était le sourires figés toutes la soirée, les compliments débiles que faisait ma mère à ses invités. Tout ces faux cul qui venaient au Noel de mes parents pour leur gratter un peu d'argent ou bien pour se vanter auprès de leurs amies qu'ils ont été "au merveilleux Noel de monsieur et madame Wells, la famille la plus riche de Londres." Putain, je déteste ces gens, je déteste cette vie et je suis bien content de m'être cassé de là. Ce monde superficiel n'est pas le mien. Je suis pas comme eux, non. Et même si j'ai grandis dans une famille de gens qui pètent plus haut que leur cul, je suis pas comme ça. Je vous en supplie, faites que je ne me transforme pas en ces gens sans cœur.

Je suis assis sur la chaise de mon bureau, la tête dans mes mains. Il faut que je boive, il le faut sinon je vais gâcher ma putain de journée, c'est noël, je vais me faire plaisir hein. J'ouvre mon tiroir et je m'enfile les bouteilles aussi vite que possible, j'ai besoin d'oublier. D'oublier les choses que j'ai commîtes, d'oublier cette famille de merde et de m'oublier moi.

Je sais pas comment ça se fait mais je me retrouve dehors, je fous quoi là ? Ma tête tourne, je suis complètement bourré. J'ai froid, j'ai chaud, j'ai envie de pisser et de vomir en même temps. Je suis énervé et en même temps joyeux. Putain mais j'ai trop bu là. Il m'arrive quoi ? Faut que je me tienne au mur sinon je vais tomber. Le sol couvert de neige se dérobe sous moi. J'ai l'impression qui brûle. Oh une bouteille par terre. C'est la mienne ? Oui sûrement, faut que je la finisse c'est pas bien de gaspiller. Je l'avale d'une traite. Merde, j'aurai pas du, c'est pas raisonnable et puis merde. J'encule ce père noël de merde moi je fais ce que je veux d'abord, je suis grand. Je veux pas de cadeaux je veux rien juste qu'on me laisse tranquille dans ma connerie.

J'essaye d'avancer mais je me cogne dans quelque chose, c'est quoi ça ? Ah c'est une fille, putain pourquoi elle me dérange dans mon délire celle là ? C'est ma propriété ici. Faut que je pisse pour marquer mon territoire ou quoi ? Elle s'excuse, ouais c'est ça connasse.

Je lui prends le bras, elle va pas partir comme ça, non. Et là, je fais un geste que jamais j'aurai fait en état normal. Je la gifle. Oui vous avez bien lu, je la gifle. Merde mais pourquoi j'ai fait ça ? Je regarde ma main, puis son visage. Oh merde désolé. Je fais des gros yeux, j'ai l'impression de ne plus contrôler mon corps, j'ai l'impression qu'il ne m'appartient plus. J'ai la tête qui tourne, je vais tomber je pense.

Putain... Je suis... désolé.

J'essaye d'articuler, de reprendre le dessus mais rien y fait. Putain mais pourquoi j'ai frappé une fille ? Ça va pas à la tête ? Je suis vraiment un connard. Je veux bien je suis pas très sympa mais de là à lever la main sur une fille, jamais je n'oserai. Je vous le jure, c'est pas mon état normal là, j'ai beaucoup trop bu, je tremble de partout, ma tête me lance et je sens plus mes orteils.

Dans mon demi-tour, mon visage se crispe sous l'effet électrisant de la violence avec laquelle l'étudiant s'empare de moi. Enfin, étudiant. Il n'a pas l'air net et j'ai l'impression qu'il est en plein conflit intellectuel avec lui même. J'ouvre la bouche pour lui ordonner de me lâcher, je n'ai pas le temps d’émettre un seul son quand la rencontre entre sa main et ma joue me surprend.

« Putain ! »

Juron qui pour le coup, s'exprime à mon insu. Reflex très étrange d'ailleurs. Mon estomac se noue. Mon corps devient une machine mécanique qui oublie de répondre aux ordres que mon cerveau souhaite lui donner. Je me déconnecte et mes bras éjectent de toutes leurs forces le jeune homme contre le portail qui résonne sous son poids.  

« T'es con ou quoi ? »

Je hurle. Et en plus, il pue l'alcool ! Mais merde ! Pourquoi je les attire tous, ces soûlards ?! J'ai une gueule à me faire gifler ou quoi ?!! Mes doigts se raccrochent fermement à son col, je peux voir la jointure de mes phalanges blanchir. Mon regard haineux soutient sévèrement ses yeux paumés, vitreux, explosés. Il me dégoûte. Il mériterait que je me défoule sur lui, qu'il devienne mon punching ball. Là, tout de suite, j'ai envie de cogner, j'ai envie d'évacuer toute la rage que j'ai emmagasinée depuis mon réveil de merde.

« T'es qui pour lever la main sur une fille ? »

Et j'en rajoute une couche avec une voix aiguë et fébrile. Il a tenté de s'excuser. Mais j'y arrive pas. Je ne peux pas lui pardonner. C'est impossible pour moi. Pas aujourd'hui. J'en ai trop pris plein la gueule sans avoir eu le droit de répondre, que là... là... J'ai l'occasion de me venger... Me venger de tous ces pauvres nazes qui frappent... Ma joue commence à fourmiller. Elle chauffe ; certainement le sang qui afflue dans ma pommette. Ce phénomène me ramène sur terre. Quelques secondes seulement. Je n'arrive plus à être raisonnable. Même s'il ne connaît pas mon père, que ce n'est pas de sa faute si j'ai été battue dans mon enfance, ma conscience s'écrase face à ma colère. Mes doigts ne répondent plus et emprisonnent toujours le brun.

J'en reviens toujours pas pourquoi j'ai fait ça ? La joue de la fille est rouge, putain mais qu'est ce que j'ai fait ?! Je suis vraiment un con, ouais elle a raison sur ce point là. Je  la laisse faire, elle me prend le col, je me débat pas. J'attends une gifle, ou quoi mais rien, elle reste simplement planté devant moi en me gueulant dessus, je laisse ses paroles atteindre mes oreilles qui me brûlent tellement j'ai froid, je viens de le remarquer mais je suis en t shirt putain, je fous quoi ici en t shirt ? Enfin bref, c'est pas la question, y'a plus grave que mes bras à l'air et que ma future grippe, je viens de taper une fille là, en plus elle est mignonne quoi. Je suis con, je ne boirai plus comme ça, je vous le jure papa noël. Je vais plus la taper non, elle peut elle, si elle a envie. Et si elle ne le fait pas je vais lui demander, ouais, c'est con mais elle a l'air vachement en colère. Si ça peut la défouler je suis là pour ça.

Je... Frappe moi.

J'ai dis ça directement, je vais pas m'excuser 36 fois, elle n'a pas l'air de vouloir les entendre mes excuses de merde. Personnellement si quelqu'un que je connaissais pas venait de me gifler je lui aurai cassé toute les dents et je l'aurai peut être même tué. Mon dieu pourquoi je dis ça moi. Et dire que j'ai déjà tué quelqu'un, bref je suis pas comme ça, j'étais pas moi même et j'étais désespéré. C'est pas de ma faute, c'est ce que j'essaye de me persuader depuis cinq ans, "c'est pas de ma faute"... Ouais, c'est ça Harry c'est l'homme qui est venu mettre sa gorge sous son couteau, de lui même, mais oui bien sûre.

Je ferme les yeux et j'attends quelque chose, je ne sais pas vraiment quoi, un coup de poing, de genou ou bien une gifle un des trois. Je le mérite, je suis qu'un pauvre con et si je continue je vais devenir alcoolique à boire comme ça, non je veux pas devenir ce genre d'homme, je veux rester le Harry arrogant, chiant, dragueur mais sympa que je suis, c'est ça ma vraie nature, pas celle ci, je suis pas comme ça.

J'ai honte, honte de moi même et de min geste, parfois je mériterai d'être enfermé sans bouffe pendant deux mois. Je suis pas vraiment quelqu'un de bien, je jette les filles comme des vulgaires merdes et j'en ai rien à foutre des autres. Strictement rien... Je me dégoûte là. J'étais pas comme ça avant, c'est depuis le fameux crime, ça m'a transformé, je suis plus le même. Vous allez me dire, c'est normal, eh bien je pense pas moi. Je veux redevenir moi même.

Enfin, je m'égare, je ré ouvre les yeux, j'avais presque oublié ou j'étais. J'attends toujours, je sais pas ça fait combien de temps qu'elle est plantée là devant moi à serrer mon col mais j’attendrai encore si il le faut. Je le mérite après tout.

Frappe moi. Le... Frapper ? Ouais. Ouais je vais faire ça. Ouais je... Ma main droite libère le tissu de son haut à présent froissé par la force de mes doigts ; ceux ci se referment un à un dans la paume de ma main, si fort que je ressens mes ongles se planter dans ma chair. Je lève le poing, ma main gauche le tenant toujours fermement à la gorge. Il ferme les yeux. Il est prêt à recevoir sa punition, je suis prête à lui infliger. Et là... Et là... Je reste figée. Tétanisée. Mon poing tremble. Mon corps voudrait tellement lui faire mal, mais ma raison m'en empêche. Merde. Aller. ALLER ! J'y arrive pas. J'y arrive vraiment pas. Mon poing, mon coude, restent en alerte, à pointer le visage du garçon.

Les paupières de mon agresseur s'ouvrent doucement, hésitantes. Et je le fixe toujours. Sauf que mes yeux brillent. Ils s'humidifient sans que je ne puisse contrôler quoi que ce soit. Mon cœur bat si fort qu'il m'arrache la poitrine. Mon respiration haletante me fait légèrement suffoquer. Et mes jambes... mes jambes flagellent sous le poids de la tristesse qui s'empare de moi. L'adrénaline retombe, mon poing la suit nonchalamment. Je le relâche en faisant un pas en arrière. L'intégralité de mes organes, de mes membres, de mes cellules, vibre sous la pression qui se dissout.

Une larme glisse sur ma joue chaude, précédemment marquée par les doigts du jeune homme. Je ne peux m'exprimer qu'avec une voix faible, remplie de mépris.

« Non. Garde ta culpabilité. »

Il se punit tout seul. Il regrette son geste. Je le reconnais. Et c'est encore pire quand on ne se fait pas pardonner. Alors voilà, garçon, tu vas devoir vivre avec ça. Et comme je ne suis pas comme toi, je ne te rendrai pas la pareille. Tu t'endormiras avec ça ce soir, et tous les autres soirs de ta vie. Et j'espère que ça te hantera aussi longtemps que ça me blessera.

Mes pieds sont littéralement encrés dans la neige. J'ai l'impression d'être clouée sur place, que le béton s'est durci en emprisonnant mes chevilles. Les battements de mon cœur s’accélèrent et je craque. Je craque devant lui. Merde. J'veux pas qu'il me voit comme ça. Je perds toute ma crédibilité mais c'est au dessus de mes forces. Mes mains se referment sur mon visage. Et mes genoux atterrissent au sol violemment. Je me recroqueville et je pleure. Je pleure, en criant. Il faut que ça sorte. Il faut que j'évacue tout ça. J'peux plus rien garder. Et j'arrive plus à m'arrêter.

Ma voix est criarde, entrecoupée de soubresauts.

Je me vide.

Elle est devant moi et elle reste comme ça, le poing levé. J'attends toujours mais rien. A présent son poing ne me menace plus et elle a l'air... Plus vraiment en colère mais surtout triste ou à bout je ne sais pas trop. Je reste comme ça, ne sachant que dire.

"Garde ta culpabilité", c'est exactement ça. Si elle m'avait frappée je me serai senti mieux, on aurait été quitte mais là, non. Et ça me fait chier, je me sens mal là, j'ai une boule dans le ventre et je menace toujours de m'écrouler. Satané alcool, je te déteste. Tu détruis la vie de millier de gens et regarde ce que tu me fais faire ? Sérieux, je suis ridicule là.

Je suis prêt à tourner les talons, a rentrer dans ma chambre et à m'étendre par terre mais quelque chose me retient. Est ce un sanglot ? Je me retourne, face à cette fille dont je ne connais pas le prénom. Elle pleure, merde. Elle pleure si fort, si... Je ne sais pas expliquer mais ses sanglots sont profonds, je pense pas qu'elle pleure de douleur, en tout cas pas de douleur physique. Mon dieu, je sais pas quoi faire là ? Dois je partir et la laisser là, seule dans la neige ? Non. Quand même pas, c'est pas un comportement à avoir.J'ai quand même des valeurs, je ne laisse pas une personne comme ça en détresse, seule. Elle ne le mérite pas, pas après ce que j'ai fait.

Alors, j'ouvre simplement mes bras et je la serre, un petit peu. Je savais vraiment pas quoi faire et il y'a de fortes chances qu'elle me repousse mais au moins j'aurai essayé de la réconforter. Voir des gens aussi... Malheureux, ça me fait de la peine, bon je suppose que ça fait de la peine à tout le monde mais je sais pas... Là je suis perdu, je comprends pas trop ce qu'il se passe. Je sens son corps contre le mien, elle tremble fort. Je pense pas que ce soit à cause du froid. Moi aussi je tremble, je me sens vraiment mal. Je ne connais même pas cette fille, j'ai levé la main sur elle et en plus d'une marque rouge sur sa joue je pense que j'ai réveillé pleins de choses enfuies au plus profond d'elle qui ne demandaient qu'à sortir.

Je sens ses bras m'enlacer. J'aimerais lui dire qu'il dégage ses sales pattes de là. Mais j'y arrive pas, c'est tout le contraire. Mes doigts agrippent machinalement son tee shirt, comme pour lui faire comprendre de me serrer encore plus fort. A ce qu'il paraît, le fait d’exercer une pression soutenue sur un corps tendu, nerveux, stressé, oblige le système nerveux du dit corps à se calmer, à ralentir, à décompresser. Je sais pas combien de temps je reste agenouillée dans la neige. Je ne sais pas combien de temps il me tient dans ses bras. Je ne sais plus comment réagir. Moi aussi, pour le coup, je suis paumée. Et gelée.

« Ok... »

J'arrive enfin à émettre un son, dans un soupire. Un son si faible. Presque inaudible. On reconnaît que j'ai pu articuler quelque chose parce qu'un nuage de buée est sortie de ma bouche. Je sens ma respiration devenir progressivement régulière. Je n'ai plus la force de pleurer. Je suis exténuée. Mon écharpe éponge le torrent qui a humidifié mes joues. Mes doigts, un a un, relâche, pour la deuxième fois de la journée, le tee shirt du garçon.

« Ok. »

Je suis un peu plus claire que la première fois. Je n'ose pas affronter son regard. Je dois être tellement hideuse, et je me sens si honteuse, si faible, si... J'ai pas l'habitude... La paume de mes mains le repousse lentement. Ce n'est pas l'envie d'être douce non, c'est juste l'unique force qu'il me reste. Je devrais lui être reconnaissante qu'il soit resté à mes côtés. Mais c'est aussi à cause de lui que j'ai en parti craqué. Je suis tellement confuse, dans mes sentiments, mes émotions. Je sais pas si je dois le remercier. Si je dois l'ignorer. Alors je me relève dans un mouvement lourd, sans un mot. J'essuie une dernière fois mon visage, avant de ranger mes mains dans ma doudoune. Je suis toujours plantée là, devant lui, à regarder la neige à mes pieds.

« Tu devrais rentrer... avant de tomber réellement malade. »

Ouais. J'ai rien trouvé de mieux pour combler le vide gênant qui s'installait entre nous. Et j'ai pas tellement tort non plus. Je lui pardonnerai, un jour, peut être, lors d'une nouvelle rencontre. Cette fois, je vais pouvoir emprunter le chemin initialement prévu avant que mon épaule ne rencontre la sienne. Avant cet épisode cocasse. J'avance de deux ou trois mètres, je ne réalise pas vraiment. Et je m'adosse au mur. J'ai besoin d'un temps pour reprendre pleinement possession de mon corps et de mon esprit. Je lève les yeux au ciel, et apprécie les flocons de neige qui fondent sur ma joue embrasée.

Elle s'accroche à mon t shirt, elle se vide, lentement et on reste comme ça. Peut être une minute, peut être vingt ? Je n'en sais rien, je suis déboussolé. Je me sens tellement coupable, j'ai l'impression que cette boule qui s'est à présent nichée dans ma gorge ne partira jamais. J'ai plus de remords que la fois ou... Enfin, je n'ai pas envie de penser à cet événement là. J'ai déjà assez de soucis comme ça. Elle murmure quelque chose, enfin je pense parce que de la buée s'échappe de sa bouche. Elle me repousse lentement, ses yeux sont secs. Elle met ses mains dans sa doudoune et je me contente de regarder son visage, ses yeux rougis et cette joue... Rouge également. Si on ne fait pas attention aux yeux et à la joue elle est jolie.

Je détourne les yeux, elle a raison, je ferai mieux de rentrer. J'ai envie de tourner les talons mais j'y arrive pas, j'ai encore envie de la prendre dans mes bras parce que finalement, moi aussi ça m'a fait du bien. Je regarde mes pieds et je hoche la tête. Vasy Harry, casse toi.

Je me retourne, en direction de cette université que je déteste. J'ai pas envie de rentrer, j'ai juste envie de m'étendre dans la neige et de faire l'ange, ce que je ne suis pas. J'ai envie de partir, n'importe ou sauf ici. Mais je n'en fais rien, je me contente de pousser la porte, en regardant par dessus mon épaule. La fille a disparu, j'espère qu'elle me pardonnera et que je pourrai enfin connaître son prénom.