La météo d'aujourd'hui est assez étonnante, tiens. Genre on est en Novembre, mais pour autant, il fait plutôt beau. Le temps idéal pour ne pas aller en cours. Ça tombe bien, je ne comptais pas y aller ! J'ai plutôt envie de faire un tour au gymnase, j'ai l'impression que je n'ai pas pratiqué depuis des lustres. En fait ça fait à peine deux jours, mais j'ai tout sauf envie de me rouiller. Donc je préfère m'entrainer régulièrement, histoire de ne pas perdre mon niveau.

Je récupère vite fait un débardeur de sport et un jogging, et range le tout dans mon sac à dos, avant de prendre le chemin en direction du gymnase. Les justaucorps, c'est vraiment, mais vraiment pas mon truc. Je suis pas trop à l'aise dans ce genre de fringues, du coup j'en ai quand même un, mais je le porte seulement quand c'est obligatoire, genre pour certaines compets. Hors de question que j'en porte dans d'autres conditions, huhu.

Après un tour aux vestiaires pour me changer et m'échauffer comme il se doit, je me rends à la salle. Il n'y a pas grand monde, c'est cool. Comme ça, pas de relou à me piquer le cheval d'arçon, les anneaux ou les barres parallèles. J'inspecte le gymnase de long en large, afin d'examiner la population présente. Ah tiens, Starkov, mh. Il finit de s'échauffer, visiblement. J'suis sûr que s'il était de mon bord et moins gonflant, ça collerait bien entre nous. C'est bien dommage, c'est du gâchis. Je m'approche du Russe, qui se trouve juste à côté de la bassine de magnésie, et lui adresse la parole en y plongeant mes mains, m'apprêtant à enchainer quelques figures au cheval. Salut Starkov, quoi de beau ?, je lance à mon voisin d'un air à la fois sympa et détaché.

Je venais tout simplement de finir mon entrainement quand la porte c'est ouverte puis refermé. Je n'avais pas pris la peine de savoir qui avait bien pu rentrer dedans. Toute façon, j'étais bien concentré et surtout pris par mon échauffement. Je m'étais mis les mains dans la bassine de magnésie et secoué les mains au dessus de cette bassine afin d'enlever le surplus. Damon, le mec qui se trouve sur le panneau d'affichage par rapport à l'autre, là... Euh Charlie je crois. Bref, je m'en fous complètement de sa tronche, mais bon il vient quand même me parler. On va essayer de lui répondre sans trop être désagréable, on va faire un petit effort.

Salut Starkov, quoi de beau ?

Ce que je déteste, c'est qu'on m'appelle Starkov ou même Edouard. Non mais franchement pourquoi Edouard, c'est particulièrement moche, bref c'est mes parents qui m'ont appelé comme ça.

-Salut. Bah rien, j'allais m'entrainer et toi ?

Une réponse bref et très courte. Je ne réponds pas méchamment mais pas non plus de façon très amical. C'est pas mon pote alors je vois pas pourquoi je vais être sympa et cool avec lui. Bon c'est pas tout, mais c'est pas en discutant -si on peut appeler sa une discussion- que l'entrainement va se faire tout seul.

J'abandonne Damon et file directement vers les anneaux. Je suis plus spécialisé dans les anneaux et les barres parallèles, mais par contre le cheval d'arçon c'est pas spécialement mon truc. Une fois en dessous, je les attrape et par la force des bras me soulève. En montant avec mes bras, je finis par me tenir bien droit et tendu sur mes anneaux. Je me positionne correctement et commence par faire la croix de fer. Je pense à bien respirer, parce que c'est très physique les anneaux.

Ce matin, comme tous les autres, je m'étais levée aux aurores. Et pourtant, les cours que j'avais aujourd'hui ne commençaient qu'à treize heures trente. Seulement voilà, ça faisait quelques semaines que je m'étais enfermée, à me morfondre, à regretter et à ressasser les événements passés. Je m'étais laissée aller jusqu'au point d'avoir séché quelques cours et sauté quelques repas. Ça ne me ressemblait pas, à moi, l'élève modèle à l'hygiène de vie irréprochable. Ah, l'amour. Ça provoque bien des dégâts. La raison de ma nuit écourtée était donc simple : me reprendre en main.

Voilà quelques semaines que je n'avais pas mis les pieds dans le gymnase. Et pourtant, Dieu sait à quel point j'aime le sport, et la gymnastique. Après une longue douche mélancolique, je remarquai que Robyn, ma colocataire, n'était pas là. On ne se voyait plus beaucoup ces derniers temps. Sans doute fuyait-elle ma tristesse contagieuse, s'étant elle-même séparée de son petit ami. Je me préparai rapidement, puis vint le tour de mon sac, abandonné dans un coin de la pièce.

Je poussai la lourde porte du gymnase, avant de lancer un regard circulaire à l'intérieur. Il était vide. « Salut. Bah rien, j'allais m’entraîner et toi ? » Presque vide. Je me redressai pour apercevoir d'où provenait les voix. Deux jeunes hommes semblaient discuter. Je n'eus pas le temps d'en entendre davantage que l'un des deux s'éloigne vers les anneaux. L'autre demeura près du cheval d'arçon. Je ne pense pas les avoir déjà vus. Ou juste croisés.

Brr. Des vestiaires vides n'étaient jamais très agréables. En plus, ça ne me rappelait pas de très bon souvenirs. Je posai mon sac sur le banc. Je n'étais même pas sûre de rentrer dans mon justaucorps d'entraînement... Enfin, il n'y avait qu'un moyen de le savoir. Après l'avoir enfilé, je me rendis compte que je n'étais pas serrée et que c'était même plutôt l'inverse !

Le temps entre mon réveil et ma venue au gymnase avait suscité en moi une certaine motivation. J'étais dans mon élément et, heureuse ou pas, ici, j'étais détendue. Sans perdre plus de temps, je me dirigeai vers la bassine de magnésie, histoire de poudrer mes mains ainsi que les pieds. Le premier gars était toujours aux anneaux. Wah. J'étais toujours impressionnée par cette discipline. Il fallait une grande force et une sacrée maîtrise.

Quant à moi, j'hésitai entre mes deux domaines de prédilection : la poutre ou le sol. Le praticable étant le plus près, je cède à la paresse. Je commençai mon échauffement. Crack. Bordel, je pensais pas avoir fait une pause aussi longue. La reprise est difficile.

Une fois mon corps à peu près réhabitué et mes muscles chauds, je commence ma séance doucement. Souplesses, écarts, sauts. J'avais un peu de mal à exécuter ces mouvements pourtant si simples.

"Salut. Bah rien, j'allais m'entrainer et toi ?" Je lève un sourcil et dévisage Nika d'un ton neutre, tandis que ce dernier me tourne le dos en direction des anneaux. Ouais en fait, je sais même pas pourquoi je lui ai adressé la parole, un réflexe envers les grandes gueules de Garnet sûrement. Et encore, il aurait pu me répondre bien plus désagréablement, du genre "d'où tu me parles, me fais pas chier" comme à son habitude de casse-noix. Là c'est plus chaleureux, du moins moins froid, que ce à quoi je m'attendais. Mais bon, on n'en est pas non plus à une amitié naissante, quoi. Je hausse les épaules et remue les poignets pour les échauffer, et réponds sans trop de conviction. Bah, pareil.

Tandis que je me rapproche du cheval d'arçon, juste à côté, tout en faisant tourner machinalement mes poignets, la porte s'ouvre sur une jeune brune, flottant légèrement dans son justaucorps un petit peu trop grand pour elle. Son visage me dit quelque chose, elle est peut être déjà venue au gymnase. Mais alors, ça doit faire quelques temps, sinon je connaitrais au moins son prénom. Elle passe devant moi pour rejoindre la bassine. Complètement détaché, et me concentrant sur l'enchainement que je m'apprête à faire, je ne la lâche pas du regard, sans pour autant la mater. J'suis pas un pervers non plus, hein. Elle est juste à côté, et c'est soit je la regarde se poudrer les petits pieds, soit je me mets à fantasmer sur les biceps en action de mon camarade juste en face. Et, avouons-le, la première option est largement plus raisonnable.

Après les poignets viennent les épaules, encore trop verrouillées à mon goût. Je les fais tourner dans tous les sens en observant la nouvelle venue qui démarre sa séance. Sérieux, j'entends ses craquements d'ici, c'est normal ? Enfin elle n'est pas très loin, mais quand même. Grimaçant quelque peu, je ne peux m'empêcher de l'ouvrir, une fois mes épaules bien échauffées. Je me trompe ou t'es pas venue au gymnase depuis longtemps ? Rien de méchant, rien d'agressif. Ces temps-ci, je suis pas franchement d'humeur sale teigne. Faut croire que vieillir me réussit, huhu.

La porte du gymnase s'ouvre à nouveau, c'est réunion aujourd'hui ou quoi ? Non mais j'y crois pas, je suis venu ici dans l'espoir d'être tranquille de voir personne mais a croire que non. Bref tant qu'on vient pas me faire chier vers les anneaux tout vas bien. Je ne prête même une petite attention aux deux personnes qui se trouvent ici. Je fis plusieurs figures pour m'échauffer avant de pouvoir commencer réellement. Il faut que je travaille si je veux me qualifier pour les compétitions parce que cela fais un bon moment que je n'ai pas recommencé les compétitions, manque de temps - sauf pour courir après les filles bien sur -.

Pendant que je faisais la croix de fer, j'allais pour changer de figure quand je positionne mal mon poignet. Je lâche soudainement un des anneau, me retrouvant pendu que sur un. Mais comme vous le savez tous les anneaux c'est pas statique bien au contraire. Ce n'est pas chose facile d'essayer d'attraper celui que j'ai perdu. Une petite bataille, mais rapidement j'arrive à le récupérer. Afin de descendre je fis une sortie accompagné d'un salto avant d'atterrir sur mes deux pieds. Je bouge le poignet pour essayer de comprendre comment j'ai bien pu faire pour mal le poser. Quand je suis en gymnastique et que je n'arrive pas à effectuer quelque chose, je me remets régulièrement en question par contre les autres n'ont pas vraiment le droit de me dire quelque chose.

En marche vers mon sac, je passe devant les deux personnes ici présentent. Damon est avec la demoiselle à lui parler. Je me trompe ou t'es pas venue au gymnase depuis longtemps ? Je n'y prête pas attention ou alors juste un petit peu. Je les regarde et pose plus souvent mon regard sur elle. T'as vue comment elle est rouillé, ça se prend pour une gymnaste mais c'est pas capable de faire quelque chose de bien. Ma petite voix intérieurs qu'est ce que je l'aime, attendez elle m'éclate. Bon c'est pas tout, mais je suis venu prêt de mon sa pour boire un peu.

Malgré que j'avais fais un bon échauffement, je recommence sur mes poignets. Si j'ai mal fais ma figure, ou que j'ai faillis tombé était peut-être du à un mauvais échauffement des mains, poignets. Je ne prononçais aucun mot, aucun sourire sur mon visage. Dans un silence, je reprends tranquillement ce que je fais. J'observe de tant en tant la demoiselle et Damon sans aucun bruit.

« Je me trompe ou t'es pas venue au gymnase depuis longtemps ? »

Je sursaute, surprise. C'était le gars du cheval d'arçon. Je me relève et lui fais face. Brun, coiffure façon pétard, yeux clairs, musculature fine. Il me rappelait... Non, je ne devais pas y penser. En temps normal, j'aurais été vexée par cette remarque. Mais là, je n'avais pas d'autres choix que d'avouer qu'il avait raison. Même si en quelques séances j'aurais récupéré tout ce que j'avais perdu, le résultat était là : j'étais incapable de faire le moindre écart correctement.

Je soupire. « Au moins trois semaines. » Six, en réalité. Un mouvement anormal attire mon regard sur la gauche. Le mec sur les anneaux venait justement d'en perdre un. A force de persévérance, il parvient tout de même à le rattraper. Waw. « Dis, euh... Ça se voit tant que ça ? » Si le fait que je n'étais pas venue depuis une éternité se voyait au bout de quelques minutes seulement, c'était que mes actions ne devaient pas être bonnes. Pas bonnes du tout.

La tête dans les épaules, je croise les bras sur ma poitrine, honteuse. J'aurais préféré qu'il n'y ait personne. Comme ça, j'aurais pu me ridiculiser toute seule. Une boule se forme dans ma gorge. Quelle idiote. Je suis nulle. Vraiment. Et je m'énerve d'être tant à fleur de peau. Reprends-toi, bon sang. « Mais je vais arranger tout ça, c'est comme le vélo, ça s'oublie pas » je lance sur un ton que je veux enjoué. Je détourne pourtant rapidement le regard, pas convaincue par mes propres paroles.

La jeune femme sursaute au son de ma voix, se relève face à moi, puis soupire. "Au moins trois semaines." Ah oui, quand même. Pas étonnant qu'elle rouille autant. Je m'apprête à répondre, lorsque quelque chose attire mon attention au fond de la salle. Nika, qui vient de lâcher un anneau. Je l'observe silencieusement, mon esprit de contradiction me faisant osciller entre la volonté qu'il s'en sorte, et celle qu'il tombe comme une loque ; ça ne lui ferait pas de mal de se remettre un peu en question de temps en temps. Il lutte quelques instants, mais sa détermination lui permet finalement de rapidement récupérer le fameux anneau. Bien joué, Edouard. Ça me fait chier de l'avouer, mais tu gères.

"Dis, euh... Ça se voit tant que ça ?" Ben avouons-le, oui, ça se voit. C'est pas pour rien que les athlètes s'entrainent le plus régulièrement possible: pour justement éviter ce genre de situation. Mais la pauvre fille a l'air de tellement culpabiliser d'être médiocre, que je préfère peser mes mots et ne pas être trop cash pour cette fois. Ça se voit pas mal ouais, tu craques autant qu'un vieux plancher, j'avoue en grimaçant à nouveau.

"Mais je vais arranger tout ça, c'est comme le vélo, ça s'oublie pas" lance-t-elle, faussement motivée. J'acquiesce et lui réponds par un regard complice et enthousiaste, en levant mon pouce. Ça ne coute rien de motiver une fille, de toute manière elles ne concourent pas dans la même série que moi, donc bon.

Une fois le corps bien échauffé et l'esprit bien clair quant à mon prochain enchainement, je m'élance. Je réalise les premières figures les doigts dans le nez. Tourner et se déplacer sur le cheval, les pieds joints, c'est la base de la discipline. Pareil pour les ciseaux. Mais une fois arrivé à la toute dernière figure, l'appui tendu renversé, je prends un peu trop d'élan et manque de perdre l'équilibre. Je me rattrape en déplaçant ma main droite par réflexe, reprends mon équilibre quelques secondes, et termine mon enchainement en sautant à côté du cheval. Je soupire sèchement. Ce genre d'erreurs, ça peut coûter quelques points, c'est chiant. Je déteste ça.

J'écoutais les deux jeunes gens discuter pendant que je faisais une petite pause. Au moins trois semaines. Dis, euh... Ça se voit tant que ça ? C'est vrai que je venais seulement de commencer l'entrainement mais la mauvaise position de la main sur l'anneau m'avait tout de même lancer une douleur dans le poignet. Je venais de finir l’échauffement de mes poignets mais voyant que celui restait rigide, il fallait que je l'assouplisse. Mais j'avais pas spécialement l'envie de faire ça pour le moment. Je pose mon regard sur la demoiselle.Ça se voit pas mal ouais, tu craques autant qu'un vieux plancher Puis Damon avait finis par aller au cheval d'arçon faire son entrainement sur celui ci. Un haussement d'épaule de ma part avant d'aller vers cette demoiselle. Sans sourire, sans amabilité de ma part, je la regarde et m'approche.

-Ne force pas, tu te feras plus de mal ! Même si comme tu dis, c'est comme le vélo ça s'oublie pas.

Quand je suis en gymnastique même si je ne souris, même si je ne suis pas plus aimable je suis pas aussi méchant quand tant normal. La preuve, d'habitude j'aurais passer mon chemin en soufflant ou en laissant sortir un pff de ma bouche. Tout le monde pense que je suis le gros c*nnard mais en réalité c'est une carapace que j'ai au dessus de moi. Sauf pour Narcisse c'est réel. Je ne préoccupe pas de Damon, je regarde simplement la jeune femme.

-Et puis t'es pas obligée de mettre ta tête dans tes épaules...

Je fais régulièrement de la gym malgré ça je me blesse comme tout le monde. La preuve mon poignet. Je m'apprête à repartir vers les anneaux, même si je risque de me blesser encore plus. Il faut que je m'entraine vraiment pour les prochaines compétitions.