Une âme de photographe ? (Anna et Rose)

Aujourd'hui c'est mon deuxième jour, j'avais fini à 16h30 alors je me rendis à l'atelier. Quand on m'avait demandé ce que je voulais faire comme activité complémentaire j'avais automatiquement répondu l'art. Et pourtant je ne suis pas spécialement douée... Sauf si on prend l'écriture comme de l'art. Enfin, pour moi c'est pas vraiment de l'art, quand j'écris c'est surtout pour oublier.Enfin bref, j'arrive dans cet immense atelier qui grouillait de monde ou plutôt d'artistes. Il y'en avait qui peignait, qui faisait des photos ou qui griffonnait sur un bout de papier. Je regarde autour de moi à la recherche d'un appareil photo, d'une toile ou même d'une feuille pour m'occuper. Après quelques minutes de recherche, je remarque un appareil photo sur une table qui était tout poussiéreux et qui ressemblait étrangement au mien. Enfin, c'est celui de ma mère... Elle l'avait acheté pour garder des souvenirs de mon frère et moi lors de mon anniversaire, je fêtais mes dix ans, je m'en rappelle. D'ailleurs Max et moi on s'amusait à photographier tous les gens qui étaient autour de la table. Penser à ma famille me fait toujours un peu mal au cœur, surtout quand je pense à ma mère. Elle me manque et j'espère qu'elle est fière de moi en ce moment même.

Bon, j'étais venue ici pour ne plus parler de mon passé et de l'enfuir au plus profond de mon âme, il faut que j'évite de penser à tout ça. Je prends donc l'appareil photo en main et je l'analyse de tout les côtés. Il m'avait l'air vraiment vieux et complètement foutu mais je pourrai faire quelque chose avec. J'ouvre l'intérieur de l'appareil avec un tourneviss qui se trouvait à proximité et je réussi à l'allumer. Alléliua.

Je regarde à travers l'objectif et je prends une photo comme ça, pour tester. Je regarde le rendu, une magnifique photo, une jeune femme est occupée de dessiner et un sourire s'étend sur son visage. Je regarde l'inconnue que j'ai photographié involontairement et je m'avance vers elle, je l'ai prise en photo alors la moindre des chose c'est de lui montrer.

Excuse moi, j'ai pris une photo de toi involontairement, je suppose que tu aimerais la voir ?

Dis je en lui tendant l'appareil photo.

Tic Tac. Tic Tac. Tic Tac.
Ce son résonnait dans la petite chambre de Rose. Il venait du fond de son tiroir, c'était la montre que son copain lui avait offert. La jeune femme était allongée sur le lit, une jambe et un bras pendue dans le vide en train de scruter le plafond pensive. Cela ne faisait même pas une semaine qu'elle était arrivé ici et pourtant elle avait l'impression que cela faisait déjà deux mois. Le temps lui paraissait long. Quelle idée, elle qui n'avait fait que quelques voyages hors son pays d'un coup elle traverse l'océan pour vivre, seule. Sa petite maison avec sa grande famille bruyante. Même la nuit était bercée par les nombreux ronflements qui sortaient des chambres. La maison était toujours bruyante. Même quand ils faisaient ensemble leurs devoirs dans la table de la cuisine le son seul du crayon sur la feuille ne durait pas longtemps. Dans sa famille on aimait parler, de tout et de rien. Du poisson rouge du frère de la cousine d'un ami qui était mort à la dernière actualité politique.
Maintenant elle était seule dans une petite chambre silencieuse avec seulement une musique en fond pour l'accompagner dans sa solitude. Elle réfléchissait à quoi faire aujourd'hui. Une part d'elle lui disait de rester chez elle, à manger des cookies devant une série, une autre part lui disait de parcourir cette ville à s'y perdre. Même si pour elle se perdre arrivait un peu trop souvent. Non pas qu'elle n'avait pas de mémoire, mais Rose était une personne qui aime parler avec ses pensées et ne fait plus attention à ce qui se passe autour d'elle. Elle soupira.

La jeune n'avait pas cours aujourd'hui, mais on lui avait demandé d'aller dans la salle du groupe qu'elle avait choisi, art. C'était si évident pour elle. Non pas pour son talent, mais elle aimait peindre. Entendre le bruit du pinceau sur la toile, mélanger les couleurs, faire d'un tableau blanc quelques choses. Créer. Et de se dire que c'est de soi. L'odeur de la peinture aussi, s'en mettre pleins les doigts comme quand on est enfant. Peindre c'était de travailler le cœur léger. C'était de s'amuser, se détendre. Peindre était pour elle depuis peu un nouveau refuge pour ses pensées. Un lieu où tout le monde pouvait la comprendre du premier coup. On lui avait souvent reproché de pas être compréhensible.
Rose se leva péniblement, prit une douche rapide et choisit des vêtements. Elle sortit quelques vêtements et les déposa les uns après les autres sur le bureau. Elle choisit de prendre un chemisier blanc à manches courtes, ainsi qu'un jean simple bleu foncé. Il ne faisait pas froid dans les bâtiments, seulement dehors. Elle s'attacha ses cheveux blonds en un chignon, se maquilla bien. Prit sa veste, un petit sac avec seulement ses clefs et son téléphone portable et se dirigea vers la salle d'art.
Quand elle entra dans la salle elle fût à peine surprise de sa taille. Depuis quelques jours Rose avait compris qu'ici tout était démesurément grand. Elle enleva sa veste chaude qu'elle posa dans un coin ainsi que son sac et prit un tablier, se mit devant un chevalet, prit une toile vierge, une assiette en plastiques, des pinceaux et des tubes de couleurs et réfléchit à ce qu'elle pouvait peindre. Dans l'assiette elle mélangea des couleurs et commença à peindre. Elle se dit qu'elle pouvait essayer de faire une rose verte pour commencer. Elle peignait en libérant son esprit de toute ses idées.

« Excuse moi, j'ai pris une photo de toi involontairement, je suppose que tu aimerais la voir ? »

Une voix la fît sortir de ses idées. Elle sursauta légèrement et regarda la peine qui lui avait adressé la parole. C'était une jeune fille blonde qui lui tenait un appareil photo entre ses mains. Il fallut quelques secondes à Rose pour comprendre ce que cette personne disait et elle hocha la tête. Rose pencha sa tête vers l'écran de l'appareil photo afin de se voir. Quand elle la vit, Rose ne répondit rien en premier.

« L’inconnue de la Seine »

La jeune femme sursauta, je suppose qu'elle devait être plongée dans ses pensées. Je comprends, quand j'écris moi aussi je suis complètement dans mon monde, rien ni personne ne peut m'interrompre. J'écris jusqu'à en avoir mal au poignet, j'écris jusqu'à m'endormir sur ma feuille, j'écris jusqu'à en pleurer même. Une feuille, un stylo, je peux m'occuper toute la journée avec ça, raconter ma vie, décrire mes émotions, mes sentiments ou encore écrire tout ce qu'il me passe par la tête. Parfois j'écris des choses vraiment absurdes, croyez-moi. Souvent dans mes écrits je parle de ma famille et en particulier de ma mère et de ses cheveux d'or. Je raconte également des anecdotes sur la petite Anna, j'étais si amusante et innocente autrefois. Je profitais simplement de mon enfance comme tous les enfants et je me disais que les mauvaises choses n'arrivaient qu'aux autres. Je me trompais, je me trompais sur toute la ligne mais quand est gosse c'est normal non ? De penser ça ?

Les principales questions que je me suis posées après le décès de ma mère c'était, pourquoi nous ? Pourquoi moi ? Pourquoi elle ? C'est vrai ça, pourquoi c'est tombé sur notre famille ? Pourquoi c'est nous qui devions souffrir ? C'est pas juste. Vraiment pas. Nous étions une famille unie, remplie de bonheur et d'amour. Les gens du ciel ont décrété qu'on était trop parfait ? " Les gens du ciel ", quand j'étais petite je disais que c'était à cause d'eux que ma mère était partie, je remettais tout sur leur dos or que je ne savais même pas si ils existaient, c'était simplement pour moi un moyen de déverser ma colère sur quelque chose.

Je m'égare... Je quitte mes pensées et je reviens dans cette salle qui sent la peinture pas encore sèche. La jeune femme que j'ai interpellé regarde la photo et ne répond rien, au début.

« L'inconnue de la Seine »

Oui, c'est un peu ça. L'inconnue de la Seine, ma grand mère me l'avait raconté un soir, il y'avait plusieurs versions mais ce serait une jeune femme très jolie dont on ne connait pas vraiment l’existence et qui reste un mystère pour tout le monde, elle a même été la source d'inspiration de beaucoup d'auteurs. Je jette un coup d’œil à sa toile et je souris en réajustant une mèche derrière mon oreille.

C'est très joli, tu as un vrai talent.

Dis-je en pointant son oeuvre du doigts, en effet c'était très abstrait mais très joli.

La jeune inconnue ne parlait pas beaucoup, Rose aimait bien ça. De toute façon si l'inconnue parlait trop, Rose n'écouterait rien.Ce genre de personne était détestable. Du matin au soir il n'arrêtait pas de parler et leurs discussions étaient si pauvres. C'était des phrases banales avec des mots simples avec aucun but derrière sauf donné une information inintéressante. On disait souvent que ce genre de personne à parler trop souvent pour ne rien dire était une manière pour eux de gérer le stress. Ou même de se protéger des autres, en ne parlant de rien ils évitaient les sujets importants, personnelles.
Rose ayant vécu dans une famille nombreuse qui aimait la culture, elle avait apprise naturellement à choisir ses mots. Certes parfois elle pouvait parler sans arrêtée mais c'était rare. Cela devait être un sujet qui l'intéressée particulièrement ou qui pouvait amener à un débat non-violent. De plus, vivant dans une famille nombreuse, personne ne pouvait se permettre de parler non-stop, bloquant la conversion d'une maison entière sur un sujet comme : quelle célébrité s'est vu au restaurant avec une autre célébrité. Les commères sont aussi de cette catégorie. Juste pour exister une minute, elles peuvent jeter gratuitement les secrets de ses proches. Briller un peu apporte toujours la mort au final.

Quand la jeune inconnue lui complimenta son tableau elle eut un grand sourire. D'un côté, car elle était contente, les compliments font toujours plaisir, mais de l'autre, car Rose n'avait pas de talent pour la peinture. Elle ne faisait ça que pour le sentiment que ça lui procurée et non pour un don spécial qu'elle avait. Rose posa son regard sur sa toile, sa rose verte ressemblait plus à des tâches colorées avec un dégradé acceptable. Mais la tige et les formes des pétales ressemblaient à des gribouillis juste à côté de la tâche verte. Un enfant de douze ans pouvait aisément la battre en art mais, c'est vrai, elle n'avait jamais demandé l'avis d'une tierce personne. Le monde peut changer de regard d'une personne à l'autre. C'était fou.
Rose posa son pinceau sur le chevalet, posa l'assiette en plastique dans lequel elle avait fait le mélange et resta pensive un moment.

« Les Hommes devraient être vert. Non comme les extraterrestres qu'on le voit dans certains films de sciences fictions, juste vert. Sauf en hiver, c'est trop voyant. »

Le chemin de sa pensée pour arriver à ça était long et tordu, mais rapide. Rose sortait parfois des phrases comme cela à haute voix, qui n'avait de sens que pour elle-même. Elle s'était habituée à ce que les personnes autour d'elle la regarde en se demande : « Est-ce à moi qu'elle s'adresse ? ». Elle n'y faisait plus attention maintenant.
Rose soupira légèrement puis regarda la jeune femme avec un sourire à peine visible.

« Avez-vous fait d'autre photographie ? »

Je l'écoute sans vraiment comprendre ce qu'elle veut dire. Elle avait l'air intéressante cette jolie brune, pleine d'imagination et elle me semble avoir beaucoup de culture générale. J'en avais également, j'adorais lire et mes parents étaient des gens très intelligents. Ils avaient transmis tout leur savoir à mon frère et moi. Ils nous ont toujours dit que les études c'était important, qu'elles allaient jouer un énorme rôle pour notre avenir, je les comprends. Quand je vois certains jeunes qui préfèrent se droguer, boire et faire la fête tous les jours au lieu de bosser un minimum j'ai pitié. Parce que je me dis que 50 % d'entre eux finiront au chômage. C'est dommage, vraiment. Personnellement, j'ai de la chance de m'en rendre compte, enfin je trouve, ce n'est que mon avis...

« Les Hommes devraient être vert. Non comme les extraterrestres qu'on le voit dans certains films de sciences fictions, juste vert. Sauf en hiver, c'est trop voyant. »

Je ne comprends pas vraiment ce qu'elle voulait dire par là mais je me contente d'hocher la tête, je ne compte pas la dévisager comme si elle était folle à lier ou complètement à côté de la plaque parce que je sais qu'elle ne l'est pas. Il y a des gens comme ça, un peu perdu dans leur monde, j'en fais partie, enfin à moitié. Je peux vite me perdre et oublier ou je suis. J'adore voyager par le billait de ma pensée. Je suis libre d'imaginer ce que je veux et aller n'importe ou, c'est ça qui est génial.

Elle me demande si j'ai fait d'autre photographies. Non pas vraiment, mais par contre je vais lui dire de me tutoyer, je l'ai fait pour elle alors j'attends qu'elle fasse de même pour moi. Ça me perturbe sinon, j'ai l'impression d'être mal polie. Ce que je suis pas, enfin je l'espère...

Non, je suis pas vraiment photographe. Tu peux me tutoyer sinon.

Dis je simplement en reprenant l'appareil photo dans mes mains. Je me demande si elle est là depuis longtemps, je vais peut être lui demander, plus tard. Même si notre discussion n'était pas vraiment passionnante je me sentais bien, parler à quelqu'un me change parce que depuis que je suis ici je n'ai eu peut être qu'une conversation. C'est très peu mais en général je n'ose pas vraiment aller vers les gens et ici, ils m'ignorent un peu. Ils doivent penser que je suis une de ces blondes un peu bébêtes qui ne font que rire bêtement et draguer les garçon, ou c'est un gros cliché en effet.

Rose reprit doucement ses pinceaux et continua à peindre, ou plutôt à barbouiller son tableau. Elle pouvait facilement parler et continuer à peindre. De toute façon elle répondait souvent à côté alors autant peindre un peu, qui sait, un jour, peut-être, elle saura peindre. Elle sera reconnue et féliciter pour ses magnifiques tableaux originaux. Il y avait un début à tout. Et elle ne pouvait que progresser en peinture, elle avait déjà une base de connaissance en histoire de l'art et même en art tout court. Elle adorait la peinture. Si elle était parisienne sans aucun doute elle aurait passée ses week-end au Louvre et aurait arrêté d'y aller seulement quand elle pourrait le revisiter dans son esprit avec précision. Elle n'y était qu'une seule fois malheureusement avec sa famille. Ah, Paris. Quelle ville magnifique. Cette ville était si unique, si ensorcelante. Rose avait compris pourquoi Paris était une ville si populaire, c'était une ville magique. On n'y était que depuis quelques jours ,mais on avait l'impression d'y être depuis toujours. La vue splendide qu'elle avait en haut des marches de Montmartre au lever du soleil était inoubliable. Après Londres, Paris était une ville où elle se voyait bien vivre. Tout lui avait semblé si exceptionnelle, mais bon, Londres était quand même sa ville préférée, tout simplement, car c'était la ville où elle avait tous ses souvenirs.
Rose décida de mélanger de la peinture orange avec un peu de blanc pour le rendre plus clair ainsi qu'une pointe de rose. Elle tourna les trois couleurs petit à petit, rajoutant à petite dose afin de créer la couleur qu'elle voulait. Finalement, tout ce vert dans son tableau la rendait malade. Il fallait rajouter des couleurs plus gaies. C'est vrai ça, le vert n'était pas une belle couleur seul, il fallait toujours rajouter des nuancés pour le rendre doux. Elle voulait refaire le tableau depuis le début, mais le temps à faire cela serait perdue.

« Le temps perdu n'est jamais rattrapé.. »

C'était une phrase que son père disait de temps en temps. Nous n'avons qu'une vie, qu'une famille, qu'un cœur, qu'une âme. Nous n'avons pas le temps de le perdre, il y avait trop de choses à faire. Un monde à découvrir, des inconnus à rencontrer, des personnes à aimer, des choses à protéger. Courir après le temps c'était perdre le temps de marcher tranquillement et observer la vie. Mais il ne fallait pas la gâcher en passant ses journées allongées en ne bougeant pas de son lit. Être allongée immobile on a toute la mort pour cela.
« Non, je suis pas vraiment photographe. Tu peux me tutoyer sinon ». Dommage. La jeune femme inconnue avait pu en un instant pour prendre une photo instinctivement avec une émotion. Soit elle avait une grande passion et expérience soit elle avait peut-être un don.
Rose donna une touche de couleur à son tableau, en haut des pétales de la rose et répondit sans regarder la jeune femme.

« Je ne tutoie pas les inconnus. »

C'était une règle d'éducation qu'elle avait apprise jeune. Cela fit sourire Rose, car quelques jours avant un autre jeune homme lui avait demandé de le tutoyer.

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