Carnet de C. Washington.
Née le 29 août 1995.
Commençons par le commencement : nos parents. Ils se sont connus à l’université et en sont rapidement arrivés à être intimes. Si ma mère, Allison, me fait prendre la pilule depuis que je suis réglée, ce n’est pas pour rien ; de même qu’elle insiste pour que je ne rate aucune prise, que je couche avec un garçon ou pas. D’ailleurs, elle ne veut même pas savoir si je l’ai déjà fait ou non, puisque de toute façon il faut bien vivre, elle sait que je le ferais un jour ou l’autre, comme elle dit. En tout cas, notre arrivée avec Christian n’était pas préméditée : juste un oubli de pilule. Ceci explique cela, comme on dit… Evidemment, elle n’a pas pu se décider à nous perdre ; elle nous aimait trop. Je suis sûre que son petit cœur d’artichaut n’a pas pu se décider quand elle a vu qu’on était deux, elle est un peu fleur bleue ; même si c’est pas notre père qui a pu la rendre comme ça.
Enfin, il ne vaut mieux pas que je parle de lui tout de suite. Je serais peut-être un peu méchante.
❀.❀
On s’installe dans un nouvel endroit avec Aaron, notre beau-père. Christian ne semble pas réceptif, il râle sur le fait qu’on roule en Hiver. Il parle même de cafards dans l’appartement, ce qui me fait rire, même si j’espère qu’il n’y en aura pas… Quand on arrive, on voit un paysage tout enneigé, avec des bonshommes de neige et les voitures. Restait cet immense bloc, qui allait devenir notre demeure. Pour une fois, je ne peux pas montrer de joie ou même un sourire ; je n’arrive même pas à m’y forcer. Mais autant me concentrer sur autre chose : les affaires. Aaron nous demande de l’aider et je suis mon frère vers le coffre ; mais en le voyant porter cet énorme carton, je ne peux pas m’empêcher de le pousser, en riant. Je le rejoins dans la neige et le couvre de neige, en plein sur le visage. Je suis plus forte donc j’ai pu le plaquer, mais quand je l’entends crier que c’est froid, j’abandonne, toujours le sourire aux lèvres. Seulement je compte bien m’y remettre quand il m’envoie une boule de neige, même s’il se protège avec le carton. On s’amuse encore un peu avant de se décider à se lever pour monter jusqu’à l’appartement. Cinquième étage sans ascenseur. Ça promet !
Christian a toujours eu beaucoup d’imagination et il peut rendre un endroit bien meilleur qu’il ne l’est, rien qu’en le décrivant autrement. Ou plutôt en inventant une histoire merveilleuse pour chaque élément banal, comme les tags dans les couloirs. Je lui demande de le faire pour cet immeuble et il me redonne le sourire en un rien de temps.
Maman parle d’un nouveau départ, mais je sens que ce sera juste la même chose dans un endroit différent. Heureusement, on est toujours ensemble et c’est tout ce qui compte.
☹-☹
Le jour de mon premier chagrin d’amour.
You don’t want me, no
You don’t need me
Like I want you, oh
Like I need you
Je n’ai pas voulu en parler. A qui que ce soit. Cet homme m’a détruit. Je ne devrais même pas dire de lui que c’est un homme ; un homme se doit d’être loyal, d’être fort, d’être courageux… Ou au moins, avoir le courage de dire les choses. Un homme n’est pas censé faire espérer monts et merveilles, quand il n’y a rien derrière. Pourquoi est-ce qu’ils font ça ? Pourquoi ne pas dire juste… la vérité ?
And I want you in my life
And I need you in my life
Je repense toujours aux tags comme étant les prophéties ; à chaque tag, quelque chose arriverait. J’attends toujours qu’il se passe quelque chose quand j’en vois un nouveau, même si je sais que ce n’était qu’une histoire, je ne peux m’en empêcher. Il n’y a que notre chambre que je ne veux pas changer. C’est notre espace, notre cocon et il ressemblait un peu déjà à ça dès le départ. On l’a personnalisé, selon nos goûts, évidemment.
Ce jour-là, il y a eu un nouveau tag. C’est ce qui m’a fait pleurer en rentrant alors que je m’étais promis de rester de marbre. Ma mère m’a vu avant Christian. Je ne sais pas si cet ordre a été décisif.
You can’t see me, no
Like I see you
I can’t have you, no
Like you have me
C’est ce qui a fait que je sais la vérité maintenant : notre « père ». C’en était un. Un de ces hommes qui ont fait miroité beaucoup de choses, l’amour entre autres. Ma mère ne m’a pas tout dit ; juste qu’il l’a laissé, quand il a appris pour son cœur d’artichaut. Enfin quand elle a décidé de nous garder. Elle m’a dit qu’elle me comprenait ; avec ce qui lui est arrivé, je n’ai pas pu continuer à pleurer. Notre père l’a abandonné, il est peut-être mort ou pas et je m’en fiche maintenant. Christian est rentré et j’ai été lui avouer, sans honte, ni tristesse. Sans expression, en fait.
Il me suit partout où je vais, à présent. Un vrai garde du corps. Dommage qu’il ne puisse pas devenir mon garde du cœur…
And I want you in my life
And I need you in my life
Ce soir, je n’ai pas pu continuer ce visage sans expression devant Christian. Il devait savoir que j’avais besoin de pleurer, même s’il ne disait rien.
Je l’ai réveillé, en pleurant et en lui disant : «
Tous les hommes sont des menteurs qui brisent le cœur des femmes. Pourquoi ? ». Il m’a pris dans ses bras et m’a rassuré. Il parle de majorité et qu’ils ne le sont pas tous… Et après, il ne parle plus et moi non plus. On se regarde dans les yeux, sans trop savoir quoi faire. Enfin surtout moi. J’ai besoin qu’il me rassure et justement je me sens bien, là. Il se rapproche et m’embrasse. Je ne sais pas pourquoi et même si je sais que c’est mon frère, je me sens mieux. Si bien que je lui rends ce baiser…
Love
Love
Love
Commence alors une histoire, on va dire, entre nous. On sait que ce n’est pas « bien », mais ça me fait me sentir mieux. Et il faut croire qu’il pense à mon bien avant le sien, puisqu’il ne me repousse pas ; même, il fait le premier pas, presque autant de fois que je le fais. Seulement, on s’impose une limite : on ne veut pas aller jusqu’au bout des choses. S’embrasser et même se caresser, aucun problème. C’est vraiment bien, une histoire avec un homme, dont je sais qu’il ne me fera aucun mal. Il ne peut pas, c’est mon frère, après tout. C’est bizarre, dit comme ça, mais je crois que ça me reconstruit petit à petit.
Je ne sais plus combien de temps cela a duré. Quand on parle d’arrêter, ou plutôt quand il en parle, je n’ai aucun ressentiment, ni même d’envie de refuser. Je n’en ai peut-être plus besoin pour être bien. Par contre, ma curiosité de jumelle est là et je lui en demande la raison. Il ne me dit trop rien mais je sens qu’il y a quelqu’un derrière cela. Une fille, peut-être ?
Je me le demande vraiment puisqu’il ne se fait vraiment pas remarquer au lycée. La plupart des gens qui lui parlent l’appellent le jumeau de Chloé. Ça m’embête un peu, j’aimerais bien qu’ils sachent que c’est Christian, qu’il n’existe pas que par rapport à moi. C’est un être vivant, à part entière ! Seulement, lui s’en fiche, on dirait même que ça l’arrange. Donc je laisse courir.
You can’t feel me, no
Like I feel you
I can’t steal you, no
Like you stole me
Je n’ai pu avoir une idée que lorsque j’entends qu’un mec s’est fait rabroué par la nouvelle copine du capitaine de sport du lycée et que je vois mon jumeau au plus mal. Ce qui se résume au fait qu’il se mordait la lèvre et serrait les poings. Il faut juste le connaître pour s’en rendre compte.
J’ai été le voir, je voulais en savoir plus sur son état. Je sais qu’il aura du mal à me dire les choses, même si des fois, j’ai juste besoin de le voir pour savoir… C’est la première fois que je l’ai vu sortir de la salle de bain avec une coupure. J’étais étonnée et je n’ai pas su réagir, donc je n’ai rien dit. Je ne veux pas lui en parler. C’est peut-être que je m’imagine que ça n’arrive pas, tant que je ne lui en parle pas... ?
And I want you in my life
And I need you in my life
La la la la
La la la la
❀.❀
Quand je me prépare, je demande généralement l’avis de Christian : «
Canon ou laideron ? ». C’est une sorte d’habitude. Le jour de la rentrée, il m’a demandé si on avait le même patrimoine génétique. Je lui ai fait la métaphore de la chenille et du papillon que je suis, mais ce que j’adore, c’est qu’il ne sait pas encore qu’il est déjà un papillon… Il faut juste ouvrir les yeux, mais je ne veux pas l’y forcer. Et d’ailleurs, j’aimerais bien retourner dans mon cocon, parfois.
Il a fait ses cheveux bleus le jour-là. Ça le rendait vraiment sombre, mais dans un sens ça lui allait plutôt bien…
Il est un peu spécial et je suis un peu spéciale, chacun d’une certaine façon. C’est mon frère et je l’aime, mais plus comme on faisait avant. Juste en grande sœur – parce que, oui, je suis née sept minutes avant lui, quand même !
♡.♡
Quand on a décidé d’aller à l’université, il a demandé sa bourse pour ses études d’Arts et moi pour mes études de Langues. Ce n’est pas ce dont je suis le plus fan, mais je ne me sens pas de tenter une carrière dans la musique. J’adore ça et j’en fais mon passe-temps, c’est tout.
Il y a eu une fête juste avant que commencent les examens et je me suis décidée. Si je veux m’amuser, autant aller… au bout des choses. C’est donc ce soir-là que j’ai fait ma première fois, alors que je ne connais presque pas cet étudiant qui était venu juste comme ça. Je ne sais pas si j’étais vraiment moi, enfin j’ai bu mais sans être complètement inconsciente de ce que je faisais et je n’ai pris aucune drogue qui me fasse perdre la tête. Pour une fois, je n’ai pas réfléchi et j’ai foncé.
Je crois que je devrais faire ça plus souvent…
A l’université, je me déciderai peut-être à en faire de même !
♫ . ♫
Je suis en troisième année de langues et je dois dire que je m’en sors plutôt bien. Je continue ma musique à côté, une guitare et ma voix : c’est tout ce dont j’ai besoin. Je vois mon jumeau tous les soirs, ou presque ; ça m’aurait fait bizarre qu’on vive séparés, vu qu’à l’université, ils séparent filles et garçons. Par contre, j’essaie d’aller régulièrement aux fêtes… Après tout, on n’a qu’une vie : autant s’amuser !