La route me parut durer une éternité. Will n'avait pas décroché un seul mot. Moi non plus d'ailleurs, je vois pas pourquoi ce serait à lui de parler le premier. Remarque inutile Cordanov, vous avez vécu le même calvaire aujourd'hui. J'étouffe un soupir, tentant par n'importe quel moyen de relâcher la pression. Non mais c'est vrai, on dirait une vraie bombe à retardement, une cocotte minute plutôt, je vais soupirer jusqu'à l'explosion. Pleurs? Hurlements? Lançons les paris ma conscience. Je chiffonne la manche de mon gilet, c'est mécanique, instinctif, dès que je suis stressée ou énervée ou je ne sais quel état d'esprit encore, je chiffonne mon gilet, un élastique à cheveux ou un bout de papier resté au fond de ma poche de blouson. Ça m'évite de me ronger les ongles, faut que j'occupe cette partie de mon cerveau qui est perturbé, que je stimule mon corps plutôt que mon esprit. Sinon je réfléchis trop, j'ai des crises d'angoisses à répétition, le souffle court et j'en passe. Je suis pas bien résumé. Enfin. On arrive tiens.
Le père de Will le devance pour m'ouvrir la porte, je le remercie pour l'attention. J'aurai préféré ouvrir la porte moi même, ça m'aurait réconcilié avec la vie réelle. Ouvrir une porte, débouchonner une bouteille, faire ses lacets. La prise d'otage était tellement surréaliste pour moi que j'ai du mal à revenir sur le plancher des vaches. Bientôt je vais sursauter à l'idée de tirer la chasse eh.
J'entends parler les deux hommes sans vraiment deviner le sujet de leur conversation. Tant pis. Puis je suis pas sûr que je dois l'entendre. Je sais plus trop rien en fait, je flotte. Je pense qu’on pourrait regarder un film, ou enfin, le commencer. Je mets quelques secondes à comprendre qu'on me parle. Euh... Oui sûrement, si tu le dis. Je béguais, ne sachant pas quoi dire ni faire. Will prend mon blouson pour le placer sur le porte manteau, je le laisse faire. Tu veux bien? dit-il en me montrant les escaliers de la main. J'hoche la tête comme seule réponse puis empreinte le couloir. Une fois en bas il me propose de m'asseoir dans le canapé, j'obtempère et prend place dans le confortable sofa puis il s'installe juste à côté, posant sa main sur mon épaule. Ok, j'ai pas la force de comprendre ou de le repousser, ou de lui faire un câlin, j'en sais trop rien. Tu veux regarder quel film? Un peu d'action, une comédie... un film romantique? Surtout pas le dernier, je veux un truc qui me fasse rire, par chialer. Une comédie, je lui répond du tac au tac. En espérant qu'il ne prenne pas mal. J'ai vraiment besoin de me vider l'esprit.