On est donc dimanche, fait gris, pas beau, déprimant, froid, lugubre. Le salon est à peine éclairé par la lumière "solaire", puisque le soleil ne se montre pas, et donc, j'suis plongée dans une de ces ambiance vraiment enjaillantes, je dirais. C'est vraiment plaisant. Très.. heureux.

En ce dimanche, j'avais pratiquement, j'dis bien pratiquement tout fait pour l'école, et donc j'allais pouvoir m'accorder un peu de repos, après le travail que j'avais effectué pour cette foutue université. C'est tout simplement que j'avais décidé de me poser, dans mon salon, Obsidian, dans l'fauteuil, avec un crayon et des mots fléchés. C'est un truc que je fais depuis quelques années maintenant, je le fais quand je m'ennuie, surtout, mais aussi quand j'vais pas trop bien. Ca me change les idées, ça m'occupe l'esprit, je dirais. C'est mieux ainsi après l'histoire avec Shay.

Malheureusement, ça allait être dur de s'occuper l'esprit, aujourd'hui. La rumeur s'est amplifiée, la pute. Et oui, c'est pas la première fois non plus que je suis ciblée, mais voilà, j'suis sur ce fdp de panneau d'affichage. Mais c'est plutôt chaud, c'qui ont dit, ou ce qu'elle a dit, la meuf. Hein, apparemment j'aurais une relation plutôt intime avec Eliott. Puis, on m'aurait vu sortir en courant du self, ce jour-là. On prétend que j'me sens faible par rapport à Shay. Que d'la merde, en soit. Ca promet rien, mais bon. Je le prend comme ça vient, tant que je ne croise pas Adam et son frère, je me repose avant la tempête. Eliott et moi n'avons rien à nous reprocher, c'est juste qu'il y a des diables sur cette terre qui s'ennuient, et qui font chier leur monde. Bande de con. Sale conne, de je sais pas quoi, là, la S. Pourquoi on l'arrête pas? Ah ouais, laisse-moi dire, elle est invincible. Et on sait pas qui elle est. Et, on le saura jamais. Ca me ronge, ça. C'est dégueulasse. On devrait se révolter. Merde, à la fin.

J'me rendais pas compte, mais j'avais plutôt plié les feuilles de mon livre, en pensant. L'énervement s'était montré, royalement, je dirais. Je soupirais donc, et dans l'espèce de crépuscule du jour, je continua mes mots fléchés, l'esprit pas du tout occupé par ça.

Me voilà dans une nouvelle université, loin de ma belle Allemagne natale et de toutes mes moins belles préoccupations. Le temps est plus ou moins le même ici qu'à Munich, c'est à dire, si on prend l'exemple de cette fin d'après midi de dimanche, une pluie dégueulasse et un vent pas très agréable. Pas étonnant en même temps, pour un début d'Automne. C'est limite si la nuit commence pas à tomber, aussi. Un peu déprimant, mais bon. Les inconvénients quand on fume comme un pompier, c'est qu'il faut devoir composer avec le temps. Pas le choix. Je me dépêche donc de finir ma clope pour me mettre au plus vite à l’abri.

Ce que j'aime bien, quand il fait moche comme ça, c'est aller me poser tranquillement dans mon salon ou ma chambre, prendre un bon gros café, et jouer de la guitare jusqu'à trouver une occupation plus intéressante. Sauf qu'ici, j'ai pas vraiment de salon à moi seul, et ma chambre est pas aussi chaleureuse que je l'aimerais. Enfin. Le salon de ma maison, Obsidian, est plutôt sympa. J'y suis passé plusieurs fois depuis que je suis à l'UE, c'est cool. Et vu que je vais probablement m'ennuyer une fois ma cigarette entièrement consumée, je vais sûrement y retourner, là maintenant.

Je jette le mégot dans le caniveau le plus proche, et rejoins Obsidian. Alors que j'ouvre la porte du salon, la chaleur de la salle m'envahit directement, si bien que je ne rechigne même pas à l'idée de retirer mon blouson et mon bonnet humides. Je les jette sur un canapé en cuir vide, en face d'un fauteuil occupé par une jolie blonde qui fait des mots fléchés. Sa tête me dit quelque chose, tiens. Boh, je l'ai sûrement déjà croisée. Tout en posant ma guitare contre le canapé, je souris distraitement à l'inconnue et lance un "Salut" de politesse, avant d'aller prendre un café à la machine. "Ah putain, dégueu," je marmonne en grimaçant après en avoir bu une gorgée. Ouais, pour le bon gros café, on repassera, hein.

Ouah sa mère, je crois que je vais arrêter ces mots fléchés, j'suis bloquée sur un mot et ça m'énerve encore plus. Putain, merde, fait chier, à la fin. Mais le truc c'est que si j'arrête les mots fléchés, j'aurais plus rien d'autre à foutre, et je serais encore plus plongée dans l'ennui, et, et et, dans cette histoire avec Eliott. Enfin, j'y suis déjà pas mal au coeur. Quel merdier, putain. J'ai envie de.. Nan, ouais, je ne rigole pas avec ça. Quelle culpabilité j'ai, c'est une souffrance incorrigable, qui le sera éternellement. J'ai envie de pleurer, tout me tape sur les nerfs, et ça s'en mêle.

Mais un claquement de porte me décrocha violemment de mes pensées. Merde, quelqu'un. Si c'est un Obsidian, ce qui doit être probable, ma cher, tg, il doit être bien. C'est vrai, y'a que des gens pas superficiels, ici, c'est dingue. Aussi on a notre réputation. Mystérieux et secret. Ouais.. Je me retrouve bien ici pour une bonne raison, ma fois. J'fais trop dark, même !

C'était un jeune homme, qui était entrer. Il avait les cheveux très courts, et de couleur noire. Je pouvais distinguer ses nombreux tatouages, que j'appréciais sur le moment même. J'me demandais bien ce qui signifiaient, et si ce mec était un badboy de la rue. Oh, il a une tête assez sympa et toute mignonne, je crois pas. Et s'il doit être mystérieux, bah, c'est qu'il y a au moins un peu de faiblesse quelque part, non?

Ensuite, bien, il posa sa guitare contre le canapé, après avoir ôté son manteau et son bonnet, qu'il jeta aux aussi à leur tour sur ce canapé. Je l'observais, discrètement et machinalement, attendant de voir s'il allait me saluer, et si non, bah merde. J'ai pas la tête à faire ça, voyez.

Salut.

Par politesse, c'te bien. Ca va, il a l'air assez juste, pas superficiel ni emmerdant. Mais j'le connais pas. Je ne l'ai.. Ah ouais, c'est sûrement Ezra ou je sais pas quoi, non? Le nouveau affichée sur le cher panneau de la pute. Bah oui, ça ne peut être que lui. J'hochais de la tête en guise de salut, à mon tour, avant qu'il ne quitte le canapé. J'observais ses gestes, par ennui. Il prit un café, qu'il allait regretter, croyez-moi. Ah bah oui. Le pauvre!

Ah putain, dégueu. marmonna-t-il, grimaçant.

Bah, je le pains. Je me demande quand les responsables d'Obsidian décideront de changer le café, ou même carrément le retirer. C'est pour avoir la chiasse, la bien coulante et celle dur à essuyer. Ouais, Sky, calme tes fantasmes de merde. C'est juste dégueu. Puis, comme j'avais rien d'autre à foutre, je dis machinalement, un sourire en coin, m'adressant à Ezra, je crois.

Bah merde, j'aurais du te prévenir pour ce foutu café.

"Bah merde, j'aurais du te prévenir pour ce foutu café," lance une voix dans mon dos. Je me retourne en souriant et hochant la tête pour acquiescer. Je m'attendais pas au café du siècle, mais là ils font fort pour que ça soit aussi ignoble. Sérieux, y a vraiment des gens pour boire ça ou je suis le seul à m'être fait avoir ?, je demande avec une légère moue. Va falloir que je m'achète ma propre cafetière, faut croire. Je laisse donc le gobelet encore rempli de pisse de rat sur la machine, et vais m'assoir sur le canapé en face de la blonde.

Je m'appelle Ezra, au fait. On s'est déjà sûrement croisés, ta tête me dit quelque chose, je lance en attrapant ma guitare après avoir balancé l'étui un peu plus loin. Mh, un peu expéditif, mais bon. Je lui ai pas non plus dit "oh j'aime pas ta gueule, j'vais ailleurs" donc ça passe. En plus elle a l'air plutôt sympa. Enfin je sais pas trop. Elle semble pas franchement de très bonne humeur, vu l'état de son cahier de mots fléchés complètement froissé, mais elle doit pas être méchante. Elle doit avoir la tête ailleurs. D'après ce qu'on m'a dit de toute manière, les plus gros connards ici sont pas dans cette maison, c'est plutôt chez Garnet. Mais bon, je m'y connais pas encore trop, si ça se trouve je suis tombé chez les plus pourris. Enfin ça m'étonnerait.

Ça te dérange si je joue un peu ?, je fais tout en commençant à accorder la guitare. "Ah nan hein, moi j'aime pas la guitare, moi j'aime que le piano." Si elle me lance un truc du genre, je la force à boire mon café abandonné. Mais je doute qu'elle soit de ce genre. Elle parait trop "rebelle" pour faire la kikoo comme ça. Enfin j'espère.

Il se retourna et sourit, hochant de la tête comme pour affirmer mes propos.
Je m'attendais pas au café du siècle, mais là ils font fort pour que ça soit aussi ignoble. Sérieux, y a vraiment des gens pour boire ça ou je suis le seul à m'être fait avoir ?
Ah, il est marrant le gars! C'est sûr que c'est horrible, ce café. Je sais pas, franchement, mais je crois qu'ici on l'utilise pour se vanger. On le donne à un mec d'Obsidian, on dit qu'on a été le chercher au self, qu'alors il vient d'ici. C'est quand on veut emmerder son monde, c'est plutôt sale et pratique je trouve. Plutôt une tactique digne d'un fdp.

Puis bon, le jeune homme abandonna cette maudite tasse de café aux côtés de la machine à café. Bien fait, salope de tasse. Tu l'aurais mérité, putain. Dis. Ensuite, et bien, le gars vint s'asseoir en face de moi, sur le canapé. Je l'observais, toujours d'un air neutre mais pas bien méchant, et attendais. J'suis sûr qu'il allait se présenter.

Je m'appelle Ezra, au fait. On s'est déjà sûrement croisés, ta tête me dit quelque chose. dit -il, attrapant sa guitare et abandonnant son étui.
Bingo les amis, j'suis Aria la medium, ici ! J'avais bien raison, c'est lui, le fameux Ezra au nom de famille assez complexe, je me souviens même plus, aussi, vas-y pour retenir ça. Un allemand ou quoi ? Je m'y connais, j'habitais la France, donc l'Europe, y'a quelques années de ça. L'allemand m'a toujours fait rire, y'en a qui le parle, genre, limite en t'agressant. Excellent, côtes cassées. Putain de bordel, quels des fous rires que j'ai déjà eus.

Ouais, Ezra, celui du panneau d'affichage. Pas la tienne, en tout cas! Je suis Aria. Je suis aussi sur le panneau d'affichage, pas besoin de questions.
Ma franchise est des plus belles, aujourd'hui. Pas la tienne, excellent, Sky, pas mieux quoi. Je souriais au jeune homme, d'un air un peu coupable sur le moment, mais pas trop coupable non plus. Enfin, y'a que moi qui peut comprendre. Malheureusement, y'a toujours que moi-même qui peut comprendre, enfin cette espèce de conscience, peut être, Sky, des fois, ou je sais pas trop, Aria. C'est space.

Ça te dérange si je joue un peu ? il accordait déjà sa guitare.

Bah écoute, si si, ça me dérange. Sérieusement, ton matos est déjà prêt, tu l'accordes déjà. Limite, je me sens de trop. En fait, ça me perturbe quand on joue devant moi. Surtout à la guitare, c'est juste mon instrument préféré, et je fond toujours comme un mashmallow sur un barbec, quand j'écoute ça. Et j'aime pas, j'ai une gueule de conne. Mais bon, non, en réalité, non ça me déranege pas. J'haussais des épaules, donc machinalement, et me remis dans mes mots fléchés, l'air neutre. Comme ça on verra pas ma tête de conne.

Ah, nan, nan. Vas-y.

"Ouais, Ezra, celui du panneau d'affichage." Ahah, exact. C'est sympa, d'ailleurs, pour bien commencer l'année, de se faire afficher directement. Moi qui voulais me faire discret ici, histoire que personne ne soit au courant du pétage de plombs que j'ai eu en Europe, c'est raté. Enfin c'est pas non plus comme si on avait directement dit "gros lourdeau en vue, il est moche et il pue la choucroute, et en plus il est cinglé, l'approchez pas", là il y a seulement mon nom d'affiché. Je suis même sûr que les gens ont déjà oublié mon identité, et c'est très bien comme ça. Ils sont sûrement trop préoccupés par ces autres histoires d'amourettes par ci par là, de personnes dont j'ignore encore totalement l'existence. "Pas la tienne, en tout cas! Je suis Aria. Je suis aussi sur le panneau d'affichage, pas besoin de questions." Ah ben justement, c'est elle. Je savais bien que j'avais vu sa tronche quelque part. Si ce qu'on dit sur elle est vrai, je risque pas de m'entendre avec elle. Mais puisqu'il n'est pas dans mes habitudes de croire tout ce que j'entends ou vois sur parole, je fais comme si de rien n'était.

Ah ouais voilà, c'est sûrement là que je t'ai vu, je réponds simplement, légèrement hésitant vers la fin. Je lui aurais bien demandé si c'est vrai qu'elle est une connasse, mais vu l'air qu'elle tire et le "pas besoin de questions" qu'elle a lancé, je vais me retenir d'aller plus loin.

Finalement, malgré un manque de conviction palpable exprimé par un air totalement neutre, un haussement d'épaules et une soudaine reconcentration sur ses mots fléchés, Aria accepte de me laisser jouer de la guitare. Manquerait plus que ça, uh. Enfin de toute manière, faut avouer que je lui ai pas trop laissé le choix en commençant à accorder ma guitare sans faire gaffe à elle, mais bon. Bref.

Je commence à jouer les premiers accords de la chanson d'Ed Sheeran, "I see fire." Elle est sympa à jouer. Y a une partie un shouilla technique qui revient régulièrement, mais à force d'entrainement, je le fais easy. Quant au reste de la chanson, c'est les doigts dans le nez. Puis, je me mets à fredonner très doucement les paroles, de manière quasi inaudible, juste histoire de ne pas me paumer dans l'ensemble. C'est pas que j'aime pas chanter, au contraire même. Mais là, comme ça, bof. Je la connais pas encore, la blonde, ça fait à peine plus de cinq minutes que je suis ici, je vais pas lui gueuler dans les oreilles direct quoi. Et puis, ça risquerait de la déconcentrer dans ses mots fléchés. A la limite, je serais tranquillement dans ma chambre, seul et tout, je dis pas. Mais là, non. Enfin bref.

Au beau milieu, je plaque ma main sur toutes les cordes et arrête la chanson. Une question me trotte dans la tête, en fait. Je relève donc la tête vers ma voisine, et la lui pose. Y a beaucoup de monde à croire aux rumeurs du panneau d'affichage, au fait ?, je demande alors, en pleine réflexion. Oui parce que je préfère surveiller mes arrières, au cas où. Histoire de savoir si je peux vraiment faire le con comme j'en ai envie ici, ou pas trop.