San me prend mon verre vide et s'éloigne. Il les ramène sans doute au bar. Ou alors, c'est un prétexte pour partir. Je lui ai fait peur. Je reste là, comme une pomme au milieu des danseurs. Moi aussi, j'ai envie de gesticuler avec eux. Promis que si ce charmant jeune homme reviens, je le chauff... Je lui demande de m'accorder cette danse. "Un autre Mademoiselle ?" Oh, il m'a fait peur cette andouille. J'attrape le verre qu'il me tend, le remerciant d'un sourire puis je bois une gorgée.

"Je te rassure, si je t'offre un verre c'est pas pour te bourrer et finir ailleurs. J'en ai pas l'envie et je respecte trop une fille pour la saouler et la mettre dans mon lit."

Cette remarque m'arrache un sourire. Ce serait peut-être plus de mon genre. Après tout, ça faisait longtemps. Je n'avais pas pécho depuis une durée interminable parce-que je n'étais pas sortie depuis une éternité, parce-que je révisais pour réussir mes examens, pour ne pas décevoir mon père qui mettait tout son argent pour que je réussisse. Ma pauvre folle. Tu m'étonnes que ça tourne pas rond avec des pensées pareilles. Jamais tu fais de pauses ? Quelque chose me revient d'ailleurs à l'esprit.

« Pas envie ? » je répète en levant un sourcil. Il se fiche de moi. Ne suis-je pas attirante ? Ce n'est pas comme ça qu'on parle aux filles, mon joli. Je suis plutôt vexée. Deux options s'offrent à moi. Soit je l'allume, dans le sens où je vais lui faire regretter d'avoir dit une chose pareille, soit je l'allume dans le sens où je lui donne envie de m'emmener dans son lit. Pourquoi se fâcher avec les gens, voyons... D'une traite, j'avale le verre que San m'avait si gentiment ramené. Je remarque un tas de verres déjà au sol. Ce n'est pas moi qui nettoie, à ce que je sache. Adieu les bonnes manières. Je laisse tomber négligemment mon verre. Fauve ! Fauve ! Ella tente tant bien que mal de me rappeler à l'ordre. Je ne l'entends plus, sa voix s'éloigne, loin, au fin fond de mon esprit.

Dans un unique pas, je romps l'espace qui me séparait de San. Je lui adresse demi-sourire qui se veut sensuel. Mon index et mon majeur grimpent le long de son torse puis je finis par poser ma main près de son cou. « Ne voudrais-tu pas... danser ? » je chuchote d'une voix suave.

Fauve ! A demain Ella, ce soir, le chaton chasse.

"J’ai… comment dire...une petite amie." Me lache-t-il avant de me repousser gentiement. Et alors ? Qu'est-ce que j'en ai à foutre ? Rien, exactement. Sa petite amie n'était pas assez présente dans son esprit pour l'empêcher de venir me parler, de m'offrir un verre, même deux. Faut pas se moquer de moi, coco. T'avais l'air plutôt réceptif à un jeu de séduction. T'as rien dans le ventre, mon mignon ? T'as peur d'aller plus loin ? Je m'apprête à tourner les talons lorsqu'il me rattrape avant de me rapprocher à nouveau de lui.

"D’accord pour danser, et puis tu peux oublier le fait que j’ai dit que j’avais une copine."

Sourire satisfait. J'ai bien cru devoir refaire toute la salle avant de tomber sur une bombe pareille. Là, j'avais pas eu besoin de chercher, elle était venue à moi toute seule. À son tour, il me sourit. Heureux de l'occasion, peut-être. Comme moi à vrai dire, si je pouvais me soulager de ces trois douloureux mois d'abstinence... C'est long, vous savez.

La main posée sur son cou glisse jusqu'à sa nuque, rejointe par l'autre. Les quelques centimètres qui nous séparaient ne sont plus et ma petite poitrine se trouve plaquée contre son torse musclé. C'est l'une des seules choses qui ne me plait pas physiquement, mes seins. J'ai beau être petite, j'ai de longues jambes fines et un cul de dingue. Si si je vous assure. Mais mes seins, malheureusement, ils sont partis en vacances.

Mes hanches se balancent d'un côté à un autre, en rythme avec la musique. Je ne quitte pas San des yeux. Il est beau. Fini ou pas, je donne un coup dans le verre qu'il tenait. J'attrape ses mains et les pose dans le bas de mon dos. Qui sait, il y verra peut-être un signe. Je rejette mes cheveux en arrière d'un geste de la tête pour dégager mon cou. Un index inquisiteur - le mien évidement - passe doucement sur sa joue et termine sa course sous son menton. "Pas de copine, alors ? Je peux me permettre d'être déplacée ?" je lance, provocatrice. Je veux pas le chauffer pour rien, je veux être sûre qu'il ne me laisse pas tomber une fois que mon excitation, n'en pouvant plus, l'entraîne, au pire dans les vestiaires, au mieux dans une chambre.

Par cette phrase, j'espère lui avoir permis de voir clair dans mon jeu, lui permettre de découvrir mes intentions.

"Pas de copine, je suis tout à toi !" me murmura-t-il à l'oreille. Un long frisson parcourut mon dos. Il se pencha pour m'embrasser dans le cou. Ses lèvres effleurèrent doucement ma peau et j'eus très envie de balancer ma tête vers l'arrière pour profiter un peu plus de cette caresse. Un peu de tenue, voyons. Il me tenait contre lui, alors que nous continuions à...danser ? Ou se mouvoir l'un contre l'autre ? Je sentais la pression de ses mains dans le bas de mon dos, presque sur le haut des fesses. C'était une agréable sensation que de sentir un homme musclé contre moi. J'avais presque oublié. L'une de mes mains, qui jusque là protégeaient sa nuque, glissa dans ses cheveux bruns. "J'espère bien" chuchotai-je à moi-même.

Deux de ses doigts gambadèrent avec douceur et sensualité sur ma joue puis à nouveau, ce sont ses mains qui caressent mon dos. Je lui attrapai alors, m'éloignant de quelques centimètres. Je le dévorai du regard, c'était une évidence, c'était lui que je voulais dans mon lit cette nuit. Mon lit, pas des toilettes ou un coin sombre. Il était tellement beau qu'il méritait bien de passer une nuit entière avec moi. "Ça te dirait de...?" je désignai la porte menant vers la sortie. Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre, peut-être était-il finalement un mauvais coup... Je secouai la tête avec un sourire, comment pouvais-je penser ça ? Je l'entraînais, impatiente.