-Vous êtes japonais il me semble. L'éducation des enfants au Japon est-elle la même qu'ici à Québec?
Pour être tout à fait franc, je ne suis japonais que par mon père. Ma mère est une française pure souche - c'est d'ailleurs de son père que je tiens mon deuxième prénom Antoine-, et je n'ai même pas grandi au Japon. Quand j'avais cinq ans, mes parents ont choisi de revenir en France pour que ma mère soit plus proche de sa famille. J'y retourne parfois, pendant les vacances notamment, mais j'ai principalement été éduqué en bon français. J'ai été à l'école comme tous les gamins, et c'est d'ailleurs au primaire que j'ai rencontré Jun. On a très vite sympathisé, les gosses il leur en faut peu de toute façon, il m'a prêté son ballon et c'était devenu mon meilleur ami. On est pourtant bien différents dans l'absolu; il est plus calme, plus posé, certainement plus sérieux aussi. Il a toujours était le bosseur, pendant que moi je recopiais son travail. Le plus ironique dans l'affaire, c'est que sans tricher, j'étais toujours  premier de classe. Je ne travaillais jamais pourtant, mais je m'en sortais nichel chrome. J'ai sauté une classe aussi, le CE2, du coup je n'étais plus en cours avec Jun. J'ai eu le brevet mention très bien en étant sorti de l'épreuve de maths dès que possible. Après, j'ai voulu faire un bac pro dans la photo, puisque la photographie a toujours été mon domaine, mais mes parents ont refusé.

-Une voie sans issue et sans avenir?
Précisément. Selon eux, surtout mon père, je devais faire un bac S spé maths sinon je finirais dans un caniveau. J'ai donc fait mon bac S -18,5 mention très bien-, et après seulement j'ai rattrapé l'équivalent d'un bac pro photographie condensé en un an. Personnellement, j'aurais bien aimé m'arrêter là, mais mes parents m'ont poussé plus loin. Inutile de préciser que mon dossier du  lycée avec les appréciations typées comme: "D'excellents résultats mais aucune motivation", "Dort et bavarde en cours",  mon dossier n'est jamais passé en prépa BCPST, véto était donc mort pour moi. Malgré mon véganisme affiché et mon dégout apparent quant à l'expérimentation animale, je décidai de partir en médecine, pour être médecin légiste.

-Vos parents devaient-être ravis.
Sans l'ombre d'un doute. De plus, c'était gagnant pour moi aussi puisque Jun était sur les mêmes rails. Nous avons tous deux eu notre concours PACES en primant, et nous avons décidé de s'inscrire au tutorat pour aider les PACES de l'an d'après. Ironie ou presque, l'un de mes tutorés n'était autre qu'Akira, le petit frère de Jun. Lui aussi a eu son concours en un an, mais j'ai redoublé ma P2, parce que je ne faisais que la fête. Jun, Akira et moi nous sommes installés en colocation non loin de la fac.

-J'ai cru lire que vous avez été exclu de votre fac, pourquoi cela?
La version officielle des choses, celle écrite sur mon dossier, c'est "comportement inacceptable". C'est une version bien écourtée de ce qu'il s'est réellement passé. Pour être tout à fait honnête, c'était juste après le gala de fin d'année, après les examens de ma deuxième P2 donc. L'an passé, tout c'était très bien déroulé: mes parents voulaient des photos, alors le jus d'orange fut mon cheval de bataille pour la soirée. Mais cette année a été... différente. Nous sommes bien arrivés, avec Jun et Akira, mais quelques amis nous ont entraînés pour faire soirée ailleurs. Une fois la nuit et les bouteilles bien entamées, Akira et moi avons décidé de revenir au gala faire acte de présence. La suite n'existe que dans la go pro d'Akira. J'aurais préféré ne pas savoir pour dire vrai...

-Que c'est-il passé?
J'ai fini par courir totalement dénudé dans les couloirs de la fac, sous prétexte qu'une crêpe ne porte pas de vêtements, et j'ai essayé, sans succès, de convaincre Akira que ses vêtements étaient démoniaques. Finalement, je me suis allongé sur le sol, toujours en prétendant être une crêpe. Sur la vidéo d'Akira, ma copine de l'époque est arrivée, et j'ai pris la quatrième pire claque de ma vie. Elle m'a menacé de me quitter si je ne faisais pas d'effort, mais tous les efforts du monde n'auraient pas rattrapé ce que  je lui ai dit... Que de toute façon, effort ou pas, tout le monde personne savait que la seule personne qui comptait à mes yeux était Akira, parce qu'il avait de jolis fesses -il a réellement de jolis fesses, mais ce n'est pas ça qui fait son importance à mes yeux. J'ai gagné le célibat dans la seconde, en plus des trois pires claques de ma vie, en plus de mon exclusion de la fac à cause des caméras de surveillance de la fac. Akira n'a pas été reconnu puisqu'il portait une capuche. Je me suis dit que partir était une bonne idée.

-Pourquoi avoir choisi Québec?
C'est parfait: on y parle français, mais c'est très éloigné de Toulouse. Alors j'ai quitté le boulot que j'avais en parallèle, et j'ai fait mes valises.


secret

Pour l'explication, la PACES c'est la première année de médecine. La P2 la deuxième et la D1 la troisième. Pendant leur P2, les étudiants peuvent êtres "tuteur" d'élèves en PACES, en gros la personne vers qui ils se tournent quand ils sont au bout du rouleau ou qu'ils ne comprennent pas leur cours.