HS:

Définitivement, il serait bon de prendre comme bonne résolution de cette année à venir d'arrêter de sortir le dimanche soir. Au départ, je voulais juste petit la ville en début de soirée, mais faible et lâche comme j'étais, vous vous en seriez douté, j'avais craqué, et j'avais forcément fini dans un bar. Point positif: j'avais passé une excellente soirée et j'avais fait de nouvelles rencontres tout à fait charmantes. Personne de la fac, à mes souvenirs. Parlons-en d'ailleurs, de mes souvenirs. Bizarrement, cette soirée était un peu floue. Du coup bah... soit ma mémoire faisait grève, soit c'était les vacances pour elle. Le plus grand mystère restant; comment avais-je fait pour rentrer sans me faire cramer? Si j'étais en couple, je me poserais des questions (chance de cocu, entre autre). Plus sérieusement, je pensais qu'en plus de la chance une pauvre âme charitable devait m'avoir ramené. Sans doute l'avais-je draguée de manière lourdingue,  mais en tous cas, merci à elle.
Du coup, point immensément négatif; ma bien-aimée, mon éternelle fiancée: la gueule de bois. Ç’avait beau être mon cheval de bataille, elle passait toujours aussi mal.
J'avais la tête dans un état de décomposition avancée, d'autant plus que mon réveil m'avait tiré de mon sommeil grâce à la douce poésie de Slipknot. Et mon ventre, c'était Space Mountain. Mais 'fallait quand même que j'aille en cours. Je venais d'arriver, je ne pouvais pas déjà commencer à sécher les cours. En plus, pour bien démarrer, petit TD d'anat' à 14 heures; ça allait être parfait les dissections et autres joyeuseté du même acabit. Le pire restant la dissection du foie.Étalé dans mon lit tel un déchet, je cherchais le courage de me lever. Il était bien planqué le saligot, puisque je me tournai et retournai dans mon lit comme une crêpe pendant près d'une demi-heure.

Ce fut sur les coups de dix heures que je réussis à me lever pour me traîner marcher gracieusement jusqu'à la salle de bain attenante à ma chambre. Le bruit de l'eau décuplant mon mal de tête, je ne perdais pas mon temps à barboter inutilement. Ceci étant fait, je décidai d'aller manger quelque chose -tout du moins aller faire acte de présence au self. Non pas que j'ai particulièrement faim, mais je me connaissais assez bien pour savoir que rester le ventre vide en lendemain de cuite n'était pas l'idée du siècle.
Le self était presque vide à cette heure-ci. C'était bien mieux pour moi, puisque je n'aurais sans doute pas supporté le bruit intarissable d'un R.U bondé d'élèves qui hurlent toujours plus fort pour s'entendre. Je voulais juste prendre une pomme, mais apparemment, quoi que je veuille, je devais prendre un plateau. Super utile. Je posai donc ma précieuse pomme sur mon plateau, et craquai pour un café. Du citron -c'est dégueulasse, mais ça draine le foie- vint compléter mon maigre repas. Je ne pourrais rien avaler de plus et de toute façon, le reste de ce qui m'était proposé était à base de lait ou d’œuf, donc non.
Quelle ne fut pas ma dépitation quand l'une des dames de cantine, qui devait m'estimer trop maigre, vint poser sur mon plateau tout ce qu'il ne fallait pas.

"Mon garçon! Il faut manger plus! Voilà pour toi!"

J'hésitai entre hurler, la gifler et lui vomir dessus: du bon gros fromage industriel, un petit pot de miel avec une tartine de pain, et une assiette débordante de bacon et d’œufs sur le plat. Sérieux?! Expliquez moi l'utilité de remplir des fiches sanitaires à la con avec précisé dessus les régimes alimentaires spécifiques si tout le monde s'en tapait le coquillard?! Je n'eus cependant pas le temps de choisir comment la remercier que cette petite vieille était déjà partie vaquer à ses occupations. J'attrapai donc rageusement ce plateau de carnivore et partis m'asseoir quelque part. De toute façon, je ramènerai le plateau tel quel, juste avec la pomme en moins. Elle se rendrait bien compte qu'il y avait une couille dans le potage.
Je restai longtemps à observer ce plateau dégueulasse, presque inerte, seulement occupé à boire mon café brulant. J'aurais sans doute pu y rester jusqu'à l'affluence habituelle du midi, si ce gosse ne s'était pas planté devant moi comme ça.
Quoi? Il voulait quoi celui-là?! Énervé, je m’apprêtai à lui hurler dessus ma rage envers le monde, jusqu'à ce qu'il fasse quelque chose que je qualifierais de charitable; il attrapa le fromage sur mon plateau et le dévora comme un gros porc, avant de me regarder en mode "Alors, t'en dis quoi?". Sans doute crevait-il la dalle, quoi qu'il en soit, je décidai de le remercier en lui offrant le reste de la bouffe que je ne toucherais pas.

"Vas-y mec, sers-toi, j'dirai rien." Je tournai l'assiette du bout des doigts et la poussai vers l'autre bout du plateau, plus proche de lui. "La vérité tu peux bouffer tout ce qui a sur c'plateau, sauf..." J'attrapai le verre de jus de citron que je posai sur la table et la pomme que je gardai à la main. "... ça. Le reste, fais toi plais', c'est tout pour toi."

Déclaration suite à laquelle je me laissai tomber comme un déchet sur la table, tête la première dans mon bras. J'étais encore conscient mine de rien, aussi je tournai mon visage dans sa direction pour le lui signifier.

"Bouffe tant que c'est chaud. Déjà vous gaspillez à bouffer les animaux, 'faudrait pas gaspiller encore plus à les avoir fait cuire pour rien..."