Y a bien un truc que la célébrité ne changera jamais, c'est le temps que tu passes à revoir tes cours les soirs de semaine et le weekend compris. Et j'me suis jamais sentie aussi normale depuis pas mal de temps. En ce moment on est sans cesse réquisitionnées, avec Quinny, pour des photoshoots, des interviews pour des grands magazines. Surtout ici, au Québec. Mais aussi pour des magazines français. Ouais, notre téléréalité a eu l'effet d'une bombe dans les pays francophones. Avant hier, on était avec un mec de Paris, et il nous racontait qu'on surpassait l'une des téléréalités françaises les plus regardées. Et j'dois dire que j'suis tout de même assez fière. Apparemment, les gens apprécient énormément parce qu'y a pas de prises de bec ridicules, de pétasses siliconées, et le fait qu'on soit très naturelles joue aussi énormément. Faut dire que n'étant pas américaines, on est différentes des standards à la Kardashian qui agacent la plupart des gens. Et ça, c'est cool.

Mais bref, je disais que la célébrité ne changerait jamais le fait qu'il faut un minimum travailler pour réussir à l'école. Et c'est bien vrai. En atteste mes livres et mes notes étalés sur mon lit. Et réviser seule c'est naze, alors y a Kaena assise pas loin. Et si vous me connaissez, vous savez qu'y a des chips, des mikados, et d'autre cochonneries du genre qui traînent un peu partout dans ma chambre. Non, je ne suis pas une de ces tumblr girl qui bouffent de la salade et des graines H24. Sorry not sorry.

Je grignote un mikado et checke l'heure sur mon téléphone avant de me laisser tomber comme une épave sur mon matelas, manquant de m'étouffer en même temps.

- Bah, j'en ai maaarre, je souffle après avoir réussi à reprendre mon souffle. Mon cerveau surchauffe, j'abandonne.

Je resserre ma queue de cheval avant de rouler sur le côté pour me tourner vers Kaena. J'crois que c'est la seule Obsidian que je connais, et c'est certainement une des personnes que j'apprécie le plus ici. J'aime bien les Moonstone, mais des fois j'les trouve épuisants. Je ne supporte pas l'attitude des Garnet, et je trouve les Opal limite plus transparents que les Obsidian. Et au milieu de ça y a Kae, qu'est franchement cool, et absolument pas prise de tête. Et croyez-moi, ça fait du bien.

Y a une fin à tout, les vacances y compris. Voilà une bonne semaine et demie - si on cherche la précision - qu'on a repris les cours du coup on n'échappe pas aux retour des devoirs, partiels et autres examens en tout genre. Je m'en passerai bien, ça je peux pas vous le cacher, tfaçon, qui aime les exams? Mis à part les premiers de la classe qui attendent ça comme le Messi pour agrandir leur tableau de chasse des 20/20. Perso c'est pas mon cas, et je remercierai jamais assez le ciel de m'avoir donné des facilités, sans quoi je ramerai toujours pour m'en sortir avec la moyenne. Du coup ce soir révisions parce que demain je suis évaluée sur les techniques sèches de mise en couleur. Dans l'ensemble ça va je maîtrise le plan pratique, mais je hais et je haïrais toujours la théorie. Alors j'ai fais appel à Wren pour me donner du baume au cœur, ou c'est Wren qui a fait appel à moi, parce qu'au final on a eu la même idée au même moment. Du coup je me tape la postiche toute fine ce soir ahah.

Étalées chacune sur notre lit, le regard vaseux limite éteint devant nos cours, on tente de réviser jusqu'à ce que Wren souffle toute sa pénibilité aux yeux du monde entier. Bah, j'en ai maaarre, ah ça, je vais pas te contredire. Mon cerveau surchauffe, j'abandonne. Je crois que niveau paresse on est sur le même stade. Je ferme mon cahier, levant les yeux au ciel comme pour le prier de me donner un 10 demain mais de ne pas me laisser mourir étouffer dans toute cette paperasse. Je tourne ensuite la tête vers Wren avachie sur son lit comme une brebis joyeuse, je pouffe d'ailleurs à cette remarque interne. C'est vraiment pas notre fort les cours, vraiment... Je me mets ensuite face à ma copine de chambre, en tailleur et je l'observe un instant jusqu'à ce qu'une idée me vienne. Admettons que tu es un cours que je dois réviser pour un contrôle demain, tu sais ce que j'ai envie de te faire? Je passe une de mes mains dans mon dos pour attraper un de mes oreillers et ce le plus discrètement possible pour pas que Wren me voit et flaire l'arnaque. Faut détendre un peu l'ambiance et ça fait longtemps que j'ai pas jouer innocemment, une bonne bataille de polochon ça tient la route nan?

《 Admettons que tu es un cours que je dois réviser pour un contrôle demain, tu sais ce que j'ai envie de te faire? 》Je hausse un sourcil, regardant Kaena assise sur son lit en tailleur. Elle est sympa mais elle pose de drôles de questions parfois. Qu'est-ce qu'elle veut me faire passer comme message ? Ou alors qu'est-ce qu'elle veut me faire dire ? Si ça se trouve c'est un truc à la con comme Froufrou ou Lancelot. Ou alors j'me fais juste des idées et elle me pose cette question totalement innocemment. Mais j'me fais pas trop d'illusions, Kaena demande rarement les choses innocemment. Surtout quand elle a la tronche qu'elle a à ce moment précis.

- Mh, j'sais pas. Me balancer par la fenêtre ? Ou alors dans les toilettes. Me faire rentrer dans ta tête ?

Je me redresse à mon tour pour regrouper mes feuilles et tout poser au sol dans un coin, là où je marcherai pas dessus. Parce que le matin j'ai énormément la tête dans le cul, et je regarde jamais où je mets les pieds. Donc je prévois le coup. Et alors que je vais pour attraper l'iPhone histoire de faire un tour sur instagram, je perçois un mouvement derrière Kae. Oh je le sens pas.

- Qu'est-ce tu branles Wheaton ?

Je fronce légèrement les sourcils et me lève, méfiante. Je sais qu'elle est capable d'à peu près tout et n'importe quoi, alors ouais, vaut mieux se méfier.

Wren hausse un sourcil, de suite je tente de faire bonne figure, d'avoir la tête la plus innocente qui soit en somme. Si elle pouvait ne se douter de rien ça m'arrangerais, moi et mon côté gamin qui a envie de s'amuser. Mh, j'sais pas. Me balancer par la fenêtre ? Ou alors dans les toilettes. Me faire rentrer dans ta tête ? Une réponse qui laisse perplexe, on pourrait en discuter de comment les faire rentrer dans mon cerveau parmi mes neurones, si on pouvait avoir une option scan dans nos têtes pour enregistrer toute cette paperasse, ce serait le pied j'en suis sûre!

Je ne réponds pas, occupée à réfléchir un instant si je poursuivais l'interview ou si je passais à l'action. Puis don du ciel, elle scruta un instant son portable, action Keke! J'agrippe le coussin de mes deux mains et je me prépare à le lancer sur Wren quand elle relève la tête. Qu'est-ce tu branles Wheaton ? Et meeeerde. Je crois que la situation est comique j'ai le polochon bloqué au-dessus de ma tête, mon poids sur la fesse gauche et la langue tirée avec une tête de jvais t'avoir trou du cul, plus qu'à aller au bout des choses. Je reste un instant dans cette position avant de lancer de toutes mes forces - vous vous douterez que la réalité en est bien loin - le coussin sur Wren, je sais pas si ça l'a touché ou non, j'ai juste eu le temps de dégringoler de mon lit pour me barricader.

Kaena ne répond pas, visiblement trop occupée à préparer sa connerie. Et je baisse à peine les yeux sur mon téléphone que je la vois, son oreiller au-dessus de sa tête, penchée sur sa fesse gauche, la langue tirée par grande concentration et sa tête de con. Et elle reste bloquée comme ça quelques bonnes secondes. Moi, en attendant, je me marre bien. Elle a la tronche d'un enfant pris en flagrant délit. Et c'est franchement énorme, j'vous jure. Puis elle se décide à le lancer, avec encore cet air con plaqué à la tronche, comme si elle forçait de ouf pour l'envoyer dans ma direction. L'oreiller touche mon épaule, et la seconde d'après Kae descend de son lit. Et moi je rigole toujours dans mon coin comme une pauvre tarte.

- Ah, tu veux jouer à ça Kae ?

J'attrape mes quatre oreillers et celui que Kaena m'a envoyé, la bombardant ensuite. Non mais, on ne m'attaque pas sans punition en retour. Je saute à mon tour de mon lit, sautille à travers la chambre et rejoins la salle de bain pour m'enfermer dedans. Mais c'était sans compter les fringues qui traînaient par là. Je glisse sur un tee-shirt, et par la magie du saint esprit, je réussis à me rattraper au lavabo. J'ai vu ma vie défiler devant mes yeux sans mentir. Mais faut pas que je reste bloquée là-dessus, sinon j'vais me faire avoir, faut que je trouve un truc. Et appelez-moi Queen. J'attrape la pommeau de la douche et m'apprête à menacer Keke avec l'eau si jamais elle rentre dans la salle de bain.

- Attention Keke, je suis armée.

Je sens que ça va être un bordel sans nom, et qu'on rechignera à tout nettoyer après qu'on ait fini de jouer comme des gamines. Le tout c'est de pas importuner les voisins, sinon on va s'en prendre plein dans la tronche.

J'entends des bruits de pas parcourir la chambre, qu'est-ce qu'elle fou? Ça fait un moment que son manège dure. Je tente de me relever? Non, trop risqué. Je vais attendre un peu voir où ça nous mène. Attention Keke, je suis armée. Oh! À l'aspect de sa voix je devine qu'elle s'est barricadée dans la salle d'eau, les sons résonnent sur le carrelage de la pièce. Les choses vont se compliquer parce que pour atteindre la salle de bain faut se mettre à découvert sur deux mètres comme elle est dans un renfoncement. La porte me paraît bien loin tout d'un coup... Mais va falloir prendre une décision, se secouer les puces, j'ai une fierté tout de même, je vais pas laisser une crevette prendre le dessus tcheu. Alors je tente le tout pour le tout, je me jette sur mon lit, effectue une roulade digne de Johnny English puis je m'approche, dos au mur, de la salle de bain. Maintenant, réflexion. Je scrute la pièce à la recherche d'un leurre à lui lancer puis mon regard s'arrête sur un jogging sale, posé au sol. Ahem, faudrait que je pense à ranger mes affaires un jour. Pour le moment ça fera l'affaire, je l'attrape grâce à mes orteils habiles et à mes longues jambes puis je le ramène vers moi et le prend dans une main. Étape suivante, le lancer devant la porte et observer la réaction, je m’exécute et envoie le vêtement au pied de la porte. Aucune réaction. Elle doit pas avoir vu sur la porte, la voie est libre. Le plus discrètement possible je m'avance vers la salle de bain et surprise, en rentrant, Wren m’accueille les bras plein d'oreillers et la pomme de douche en ma direction. Purée je suis conne elle pouvait tout voir dans le miroir! Instinctivement je fais marche arrière, glissant sur mon leurre et m'étalant comme une feuille morte. Meeeeerde! je m'exclame, finissant ma course en rampant sous le premier lit, le cul mouillé grâce à cte Moonstone.

Aussitôt elle se pointe dans la salle de bain, aussitôt je l'arrose grâce à mon arme redoutable. Comme quoi une pomme de douche nous sauve bien de beaucoup d'ennuis. Ici, entre autre, une attaque de mon amie Obsidian. Au même moment, Kaena se rèche comme une merde en glissant sur un jogging, lâchant un beau "merde" au passage. Je ris bien, mais j'espère quand même qu'elle s'est pas pétée le coccyx. Parce qu'apparemment ça fait très mal. J'avais une pote au collège qui se l'était cassé, et apparemment c'était une putain d'horreur, pour reprendre à quelque chose près le terme qu'elle avait utilisé.

Alors que je lâche mon arme, je vois Kae se dépêcher de glisser sous le premier lit qu'elle croise. Ah ça y est. Maintenant elle est à ma merci, j'peux lui demander n'importe quoi elle ne pourra pas refuser, elle est en position de faiblesse. Enfin elle serait bien capable d'attendre que je m'endorme pour sortir de sa cachette et me balancer un seau d'eau à la tronche. Enfin, entre nous, faudrait déjà qu'elle ne s'assoupisse pas comme la marmotte qu'elle est. Donc je crains presque rien. Mais le risque 0 n'est jamais là, qu'on se le dise.

Je reviens dans la chambre, tire une chaise qui se trouvait en face du bureau et m'assois dessus, croisant les jambes.

- T'es cernée Kae, t'as plus aucune chance. Tu ne me résisteras pas ! J'ai gagné tutututu, je chantonne en frappant brièvement dans mes mains.

Me voilà donc réfugiée sous un lit, patientant jusqu'à ce que mon heure vienne ce qui ne tarda pas. T'es cernée Kae, t'as plus aucune chance. Tu ne me résisteras pas ! J'ai gagné tutututu. Dans l'instant je vois pas comment m'en sortir donc j'admets ma défaite. Puis je suis gravement blessée n'oublions pas, je viens de me recevoir un jet d'eau dans le derrière, mes jours sont en danger, je vais pas me leurrer. Je me tourne alors face aux pieds de Wren - mon dieu que je trouve ça laid des pieds, même ceux d'une crevette comme cette Moonstone là - et j'entame ma sortie, mains en l'air pour signifier un traité de paix. Mon agresseur est assis devant moi, dans la décontraction la plus totale, jambe croisée, avachie sur le dossier d'une chaise de bureau. Drapeau blanc, t'as gagné cette bataille Moonstone, je lui dis dans un premier temps. Elle a pas gagné la guerre croyez-moi, un jour ou l'autre, dans une chambre ou une salle de cours, pour réviser un devoir ou refaire sa manucure, je l'aurai. Je l'aurai! Mais saches qu'un Obsidian ne s'avouera jamais vaincu, je lui lance avant de bondir sur son lit et lui lancer la couette en pleine poire. Un partout Wrenouffe! Et pendant qu'elle se débat là-dessous je prend à mon tour les quartiers de la salle de bain, je dois bien avoir un gel douche à moitié plein qui traîne pour me défendre.

Je vois Kae réapparaître peu à peu, elle lève les mains comme si elle se rendait aux flics, et moi je pouffe, bien heureuse de la voir ramper à mes pieds. "Drapeau blanc, t'as gagné cette bataille Moonstone" elle me fait. Je ris, je ris.  Je regarde les ongles comme la petite starlette que je suis devrait le faire, trop fière d'avoir gagné. "Mais sache qu'un Obsidian ne s'avouera jamais vaincu !" Mais bien sûr, mauvaise joueuse. Elle a perdu, c'est fini, c'est tout.

- Mais arrête donc, accepte ma-

Je suis brusquement arrêtée par ma couette qui m'atterrit sur le coin du nez. Je pousse un cri de pétasse, surprise. "Un partout Wrenouffe !" Lumière, obscurité. J'agite mes mains, jusqu'à ce que je réussisse à me défaire de la couverture. J'arrive enfin à sortir ma tête de là-dessous, mais Kaena est déjà partie. Je l'appelle et me relève, la cherchant du regard. Je me dirige vers la salle de bain, très prudemment. On sait jamais de quoi elle est capable.

- Keke tu fous quoi ?