"Becky, ton téléphone" marmonne Quinn. Je grogne, putain, mais qui peut bien m'appeler au beau milieu de la nuit bordel de merde ? Je sors la tête de sous mon oreiller et checke mon iPhone. Je vois pas clair, je vois pas clair. Je me frotte les yeux. Non, c'est une blague. UNE BLAGUE. C'est Len. Elle doit sûrement encore être dans le mal, en train de dégueuler ou que sais-je encore, et c'est une de ses rencontres de soirée qui m'appelle. Elle m'en a tellement fait, que bon, je m'attends à tout hein. J'hésite à décrocher. Mais bon, j'vais pas la laisser dans la merde, alors bon. A peine ai-je mis le portable à mon oreille que j'entends Len "wren, mec. Tu sais venir me chercher au Allnight bar? j'ai plus aucun taxis. j'te serai reconnaissante meuf" ouais ok, ok. J'prends même pas le temps de lui répondre, elle sait que j'vais venir.

Je soupire et me lève, j'attrape un jogging et un tee-shirt, enfile un sweat et des tennis, chope mes clés, mon portefeuille et mon téléphone et sors de la chambre sans faire trop de bruit, Quinny doit déjà s'être rendormie. Je rabats ma capuche sur ma tête et dévale les escaliers à la vitesse d'un escargot endormi. Je sors du bât, traverse le parking et m'installe dans ma Jeep. J'avais pas regardé l'heure jusqu'à ce que je la vois s'afficher sur l'écran de la voiture. Il est plus de 4h du mat. Non. Putain. Je soupire et démarre, appuyant sur le bouton du chauffage. On se pèle le cul dans ce pays bordel. Bon et le temps que la bagnole se réchauffe j'peux mettre le nom du bar dans le GPS. Buh, 20 minutes de route.

Histoire de rester éveillée sur le chemin, j'allume la radio et essaie de trouver un truc qui me réveille correctement. J'sais pas ce que c'est mais ça bouge, donc ça ira. 15 minutes plus tard, me voilà en face du bar. Et qui je trouve sur le trottoir, le cul dans le gel ? Len. Je me gare à côté et descends, m'approchant de Len pour l'aider à se relever.

- Salut pétasse, aller, ramasse ton cul et on rentre, je dis, pas franchement d'humeur à rire.

"T'es la meilleure, Rebecca." elle me fait après s'être mise debout, joyeusement bourrée qu'elle est. Mais même bourrée elle me fait chier en m'appelant par mon prénom. Quelle chiasse cte nana rah. Je lui adresse seulement un regard noir, ne prenant pas la peine de répondre. Je sais pas si elle le remarquera, de toute façon. "Allez, viens ici." Elle tend les bras, comme si elle attendait un câlin. Mais quelle mongolienne cte nana. Je pouffe et passe mon bras dans son dos pour la soutenir, histoire qu'elle se rèche pas sur le chemin jusqu'à la voiture. Y a trois pas mais comme on dit, mieux vaut prévenir que guérir.

J'ouvre la portière côté passager et aide Len à s'installer, parce que la voiture est haute et qu'à mon grand avis, lever la jambe n'est pas une de ses capacités lorsqu'elle est complètement beurrée. Cette meuf me tuera un jour, j'vous jure. Après ça, elle me paiera un massage en institut, j'vous jure. Pour détendre mais pauvres muscles fatigués par ses conneries. Je referme la voiture et pars m'asseoir derrière le volant. Je souffle un grand coup avant de mettre le moteur en marche. Je coupe la musique au passage, on a besoin de parler. Encore.

- Bon, Len. T'as quoi à dire pour ta défense ? J'te signale qu'il est quand même plus de 4h du mat, qu'on se pèle les miches, que je dormais, moi, et que tu devrais arrêter de te bourrer la gueule comme ça. Tu crois que t'as la tronche d'une souveraine là maintenant ?

Len est juste aussi active qu'un moucheron mort à cet instant précis, elle est appuyée contre le siège comme une baleine échouée, limite elle est posée, même pas assise. Enfin plutôt écrasée. Elle bulle, elle ferme les yeux, elle pourrait baver que ça m'étonnerait même pas. Jusqu'à ce que je lui adresse la parole, ça la réveille un peu. Mais on dirait une débile mentale, quand elle parle. Pauvre enfant. "Mais Wren. Pourquoi tu prends tout au sérieux ? détends-toi Rebecca" elle me dit, encore toute contente. Je lève les yeux au ciel, appuyant sur l'accélérateur. J'suis parfaitement détendue, je n'apprécie juste pas d'être réveillée en plein milieu de la nuit. Surtout que c'est pas comme si c'était la première fois, voyez-vous.

- Pourquoi je prends tout au sérieux Len ? Parce que imagine simplement que je ne sois pas là pour venir te chercher, enfin te ramasser. Tu ferais quoi Len ? Tu resterais à te geler le cul sur le trottoir ? Qu'est-ce qui pourrait t'arriver ? Imagine juste une seconde, on est pas à l'abri des tarés.

Combien ont profité des nanas complètement déchirées à la sortie d'une boîte de nuit. Ou pas besoin d'être sorti, pas vrai Quinny. J'ai l'impression d'avoir deux gamines à garder, quoique Quinn n'aille plus se bourrer la gueule comme le fait Len. Encore heureux, j'crois que je n'aurais pas survécu, sans déconner. J'ai l'impression de me lever comme une mère le ferait pour son bébé qui ne fait pas encore ses nuits. Sauf que mon bébé il pue l'alcool, il fait ma taille, et il a du répondant. Enfin quand il est pas comparable à une baleine échouée.

- T'as des responsabilités. Imagine, j'sais pas, si jamais les gens te reconnaissent. Il suffit d'un truc, tout se propage, t'as les paparazzis au cul et t'es morte. Déjà qu'on doit éviter de trop traîner ensemble la journée pour pas que les mecs qui me suivent te prennent en photo. C'est épuisant Lenny. Tes parents sont peut-être déjà au courant. Enfin Len, tu peux pas faire ce que tu veux quand t'as des responsabilités pareilles.

"Désolé. Mais Wren, je préfère en parler une autre fois. je suis pas en état là, euh, tu vois." Je jette un oeil à Len, affalée dans le siège, les yeux fermés. Bon. J'vais pas trop la faire chier pour ce soir. Pour toute réponse je soupire et passe la cinquième. Elle va pas y couper, ça c'est clair. Mais j'vais la laisser tranquille pour le moment, t'façon je vois pas pourquoi j'ai commencé vu l'état dans lequel elle est. Mais demain matin, ou demain aprem, j'lui fais la fête comme elle le mérite. Enfin, je m'épuise pour rien. Je sais qu'elle ne changera pas. Mais j'peux pas m'en empêcher, c'est comme si j'me sentais obligée de le faire. De jouer, à nouveau, la grande soeur. Si c'était un métier j'en ferais le mien. J'ai ça dans le sang, j'crois bien. Mais les évènements ont fait que j'me retrouve à la tête d'une téléréalité, qui me plaît, certes, mais c'est tellement surfait. Les gens crèvent de faim et moi j'expose mon fric. Tout ça commence à me peser, et j'pense que j'vais rapidement décrocher si je finis pas au fond du trou comme Lindsay Lohan.

- On est bientôt arrivées, Lenny, je l'informe.

On approche d'Enamor, et une fois le portail passé, je me gare le plus proche possible de l'internat. C'est pas qu'elle a du mal à marcher, la Rosebury, mais légèrement quoi. Je descends de la voiture, fais le tour et vais ouvrir la portière de Len, attendant que celle-ci descende pour l'aider à se tenir droite. J'suis vraiment trop conne. Une bonne poire. Elle a de la chance que j'l'aime cette pétasse.

Len a trop de mal à tenir droite, ça me fait de la peine. Franchement, j'me demande ce qui lui passe par la tête. La célébrité lui monte à la tête, elle va nous finir comme Lindsay Lohan. En cure de désintox après s'être droguée, et en procès parce qu'elle vole dans les grands magasins. Elle avance jusqu'à la porte. Porte qu'elle voulait ouvrir, mais vu comme elle est molle, sa tentative est un échec. "Wren. S'il te plaît." Je retiens un énième soupir, à quoi bon, et ouvre la porte pour elle. J'attends qu'elle entre puis passe à sa suite avant de refermer. Maintenant on va passer à l'épreuve la plus compliquée du périple. Les escaliers.

J'analyse la situation. Len est faite comme un clochard un lendemain de fête, elle tient pas debout, elle a une tronche de zombie, elle ne peut pas mettre un pied devant l'autre sans manquer de tomber. Donc lui demander de monter des escaliers ce serait comme demander à Kim Kardashian de sortir pas maquillée. Impossible. Et je compte pas camper dans le hall. Le camping ça n'a jamais été mon truc, et dormir par terre c'est pas mon style non plus.

- Bon Len tu vas grimper sur mon dos pour que je t'emmène en haut, j'veux pas appeler les pompiers parce que tu te seras pétée une cheville dans les escaliers. Juste, me vomis pas dessus sinon je te le fais bouffer par le nez.